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    Miniaturiste de Jessie Burton (éditions Gallimard) ; 512 pages

     

     

    Dans la ville d'Amsterdam il y a une jeune femme ....

     

    Dans ce roman, l’auteur nous conte l’histoire de Nella, toute jeune femme, campagnarde, qui ayant épousé un riche marchand, se retrouve du jour au lendemain déracinée dans le Amsterdam de 1686. Son époux, conscient de sa solitude, lui offre une luxueuse maison de poupée (cadeau en vogue parmi les riches Hollandais), que Nella va meubler avec l’aide d’un miniaturiste, aussi talentueux que mystérieux.

     

    Quel intérêt à cette histoire me direz-vous ? et effectivement cette trame ne semble pas particulièrement attirante de prime abord …. Et puis dès les premiers chapitres, on se trouve happé, pris dans cette description d’une famille enfermée dans ses secrets et ses non-dits, ses mensonges et ses faux semblants, mais aussi son étrange mélange de liberté, d’avant-gardisme et d’esprit rétrograde, comme si elle oscillait sans arrêt entre ouverture et sclérose.  

     

    Une famille miroir d’une époque, d’un pays et d’une ville, qui par certains aspects nous ramène à notre actualité. L’auteur se sert en en effet de ses personnages pour nous dépeindre une société guindée, enfermée dans un religiosité extrême (au point d’interdire les pains d’épice en forme de bonhomme) et une bienséance hypocrite, et qui relègue les femmes au rang de citoyens de seconde zone mais permet à ses serviteurs de tout connaitre de ses secrets, y compris les moins avouables.  Une société qui prône la délicatesse mais fait preuve d’une extrême brutalité envers ceux qui sortent des rangs. Une société dans laquelle il vaut mieux être malhonnête que droit, vénal que talentueux, moyen que brillant, mouton qu’esprit libre.

     

    Là où ce livre est particulièrement impressionnant c’est pour sa description de l’époque, de la ville, de la maison de Johannes. Le vocabulaire y est si précis et le style si fluide que de suite on se retrouve en 1686, on s’imagine suivre Nella dans les rues, le long des canaux, dans les boutiques, la prison. On se voit sans peine circuler dans cette maison de riche commerçant, on y sent les odeurs de cuisine, on y souffre du froid en attendant que le feu qu’on allume réchauffe la pièce. On est capable de reconnaitre Johannes, Marin, Cornelia, Otto et Nella sans peine, et déjà on pense au film qui pourrait en être tiré, et à son casting déjà prêt dans notre tête.

     

    Un très beau voyage dans un passé que décidément on ne regrette pas !

     

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  • Tout ce qui est solide se dissout dans l’air  de Darragh Mc Keon (éditions Belfond) ; 425 pages

    la fin d'une époque

    Dans ce roman l’auteur nous conte la vie de plusieurs personnages et de leurs familles avant, pendant et après l’accident de Tchernobyl d’avril 1986 : des enfants, un chirurgien, la femme d’un « liquidateur ». Comment les autorités ont tardé pour faire évacuer villes et villages autour de la centrale. Comment elles ont sacrifié les hommes de ces villages en leur faisant enfouir les objets, les cadavres d’animaux, les plantes, les arbres et les terres de surface, tous contaminés. Comment elles ont sacrifié aussi  les enfants et les femmes enceintes, les condamnant aux maladies, aux malformations, à une mort lente.

    L’horreur est décrite doucement, par petites touches d’abord, comme pour nous habituer  (on le sait « le diable est dans les détails ») : les tronçonneuses neuves qui arrêtent de fonctionner au bout de quelques heures, quelques jours de travail, les enfants qui portent tous la même petite cicatrice sur le cou, les animaux de compagnie qu’on fuit.  Puis le récit devient plus précis avec la description des difformités des « bébés Tchernobyl » , celle de ces hommes qui meurent à petit feu et que personne ne veut soigner, celle de ces forets qui se transforment en paysages magnifiques, des paysages aux couleurs  jusqu’ici jamais vues, synonymes de radioactivité et de danger .

    Mais en toile de fond c’est une autre catastrophe que décrit l’auteur, celle liée à la faillite d’un système qui broie  les vies et les esprits au nom de grands principes, tous bafoués dans les faits, et dont Tchernobyl n’est qu’un révélateur. Là aussi petit à petit on découvre la misère, le système D, le silence obligatoire, la promiscuité, l’alcoolisme,  la violence, et la peur surtout, omniprésente malgré l’affaiblissement du régime communiste. Progressivement on perçoit comment sont détruits  les personnes, les couples, les familles, les amitiés, et que seuls les plus solides, les plus unis ou bien les plus compromis, les plus lâches, réussissent à survivre.

    Bref, ce livre qui veut raconter les choix et le parcours de quelques personnes courageuses raconte surtout et avant tout la fin d’une époque. Avec une question qui demeure, et à laquelle  seule la lecture d’un essai documenté sur le sujet permettra peut-être de répondre : Tchernobyl était-il annonciateur de la fin d’un régime, ou bien est ce la faillite d’un régime qui a conduit entre autre à Tchernobyl ? A moins qu’il n’existe aucun lien entre les 2 et que seule la coïncide fasse que l’un (le plus grave accident nucléaire de l’Histoire)  ait précédé l’autre (la fin du socialisme soviétique) de quelques années.

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  • Lontano de Jean Christophe Grangé (éditions Albin Michel ) ; 800 pages

    Chouette, Grangé est de retour !

    Quel pavé que ce Lontano ! oui un pavé, mais un pavé prenant et plutôt réussi .

    Comme d’habitude avec l’auteur le récit démarre en fanfare  avec une mort sordide, un flic teigneux et sanguin, des militaires ni très bavards ni très sympathiques et une ambiance sombre et glauque.

    Un flic qui va comprendre petit à petit que cette mort n’est pas franchement ce qu’elle parait , d’autant plus que d’autres cadavres apparaissent , 1, puis 2, puis …et qu’un lien existe entre chacun d’entre eux, avec des  petits cailloux sanglants laissés là, d’un corps à l’autre,  par un « petit poucet » tordu.

    L’histoire toutefois  n’est pas que celle de la traque d’un tueur en série psychopathe, c’est aussi et surtout celle d’une famille singulière,  le clan  Morvan. Un père vénal, amoral , brutal ,au réseau d’influence impressionnant , qu’il utilise comme bon lui semble au gré de ses intérêts. 3 enfants qui sont le reflet de ce père trop présent, avec un fils ainé brutal, un 2eme fils vénal, et une fille amorale, comme si les défauts du père avait été partagés entre eux,  des enfants différents mais qui partagent une chose :  la haine, cachée ou avouée, de cet homme qui les étouffe et a fait d’eux des paumés incapables de vivre leur propre vie . Une mère enfin, qui parait être une petite chose faible et transparente … l’est-elle vraiment ? 

    Tout les ingrédients d’un bon Grangé sont là : le style « page turner » qui vous pousse à lire, lire jusqu’au bout de la nuit pour savoir, pour comprendre ; les personnages dont les fêlures et les secrets font l’ intérêt ; une enquête qui vous embarque ; et pour une fois une fin qui tient la route (ouf, car la spécialité de l’écrivain c'est bien les fins totalement aberrantes de beaucoup de ses romans). Manque peut-être un peu de l’originalité qui a fait du Vol des cigognes et des Rivières pourpres  2 excellents romans !  

    En tout cas je peux le dire : après plusieurs romans décevants, avec Kaiken et ce Lontano qui tient la route, Grangé est de retour et c’est tant mieux !

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  • Il était une ville  de Thomas B Reverdy (éditions Flammarion ) ; 270 pages ;

    Quand une ville se meurt ...

     

    Lecture numérique !

     

    Ce livre nous fait découvrir les conséquences terribles de la crise de 2008 pour la ville de Detroit. Pas un revers, pas même une crise, non, une Catastrophe, qui résonne dans toutes les pages et dans nos têtes,  avec ce « C » majuscule  qui claque pour mieux nous faire comprendre l’ampleur du désastre.

     

    Thomas Reverdy nous conte la vie de plusieurs personnages,  qui lui permettent d’aborder le sujet sous plusieurs angles . Celui d’un enfant,  pour qui la ville se transforme en immense aire de jeux, des jeux plus ou moins innocents. Celui d’une grand-mère qui s’inquiète pour le futur de son petit fils, qu’elle lie à celui de cette ville moribonde. Celui d’une serveuse qui tente de survivre sans sombrer, car des réseaux mafieux prolifèrent, avec leur argent facile qui tente, mais aussi leur violence qui détruit. Celui d’un flic usé qui assiste à cette déliquescence  et essaie sans ressources  ni soutiens de lutter contre elle.  Celui d’un jeune ingénieur français qui a bien du mal  à comprendre ce qu’il fait là,  lui à qui son entreprise demande de créer  alors qu’on l’isole dans un quartier qui se vide peu à peu pour se transformer en no man’s land .

     

    Il y a beaucoup dans ce roman, du sombre surtout : tristesse, désarroi, opportunisme, cynisme, désenchantement, peur . Mais il y a aussi un peu de Kafka ( le monde de l’entreprise avec ses décisions aberrantes, ses mutations sans sens, sa hiérarchie qui numérote plutôt que de nommer), un peu de naïveté (  ces enfants qui jouent au milieu de maisons qui s’écroulent et des friches industrielles), quelques touches de couleur (le rouge à lèvre de la serveuse tellement accrocheur), et finalement de l’espoir malgré tout.

     

    Tout au long de la lecture, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un rapprochement entre Detroit ravagée par une crise économique et La Nouvelle Orléans ravagée par la tempête Katherina, 2 situations totalement différentes (et avec des milliers de morts dans le second cas)  mais aux conséquences à long terme similaires pour les 2 villes : bâtiments effondrés,  population qui fuit, familles dispersées, … Un rapprochement aussi avec certaines images du Philadelphie des années 80 /90.

     

    Et c’est ça aussi la réussite du roman : transformer les mots que nous lisons en images précises et nettes, qui s’inscrivent dans notre esprit et ne peuvent pas laisser indifférent .

    Un très beau moment de lecture !

     

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  • D’après une histoire vraie  de Delphine de Vigan (éditions JC Lattès)  ; 479 pages

    Un roman, un vrai !

    Il y a des livres dont on a du mal à parler (trop tièdes, trop fades, trop mous pour moi)  et il en existe qui donne envie de parler, écrire, échanger. Le roman de Delphine de Vigan est de ceux-là.

    L’histoire est celle d’une romancière en panne d’inspiration après un gros succès littéraire et qui lors d’une soirée va rencontrer L. L va devenir une proche, puis une amie, puis …

     Ce roman m’a immédiatement embarquée et j’ai eu qu’une hâte : le terminer pour en connaître la fin , l’explication, le dénouement. Il m’a fasciné aussi, et pour plusieurs raisons.

     La première car l’auteure décrit avec beaucoup de finesse comment L. va réussir à entrer dans la vie du personnage principal, comment elle va lui devenir indispensable, par petites touches d’abord, puis plus directement, jusqu’à l’envahir,  la parasiter et la paralyser. On assiste ainsi à la destruction lente d’une personnalité, d’une vie, d’un talent. Cet aspect là du livre est étouffant, effrayant de réalisme, et très vite donne envie de hurler à l’héroïne de se méfier, de  réagir, de fuir cette présence toxique...

    La deuxième car on cherche à savoir : et d’abord qui est « L »? Car finalement on ne sait pas grand-chose d elle , cette  « L. » qui s’installe dans la vie et dans la tête. D’où vient-elle ? Quelle fut sa vie à elle avant ? Que fait-elle quand elle n’est pas avec l’héroïne ?  A toutes ces questions on attend une réponse…

    La troisième car après quelques chapitres, comme l’entourage de cette jeune femme, on en vient à douter : L. existe-t-elle vraiment ? N’est-elle pas le fruit d’une imagination qui, n’arrivant plus à écrire, se déploie autrement et envahit l’esprit jusqu’à la folie ? D’un autre coté, comment pourrait-elle ne pas exister alors que son comportements et ses actions nous sont si bien décrites ? Ce doute pousse à lire pour savoir…

    La quatrième car l’écriture de Delphine de Vigan est réellement belle, limpide, une découvert pour moi car c’est la première fois que je la lis , attirée par le thème de son livre et non par son nom aujourd’hui célèbre.

    La cinquième car ….

     La sixième car ...

    La septième car …

    Vous l’avez compris, j’ai passé un excellent moment de lecture !

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