• La fille du train  de Paula Hawkins (éditions Sonatine) ; 379 pages

    Polar retors …

    Ce roman est porté par son succès et le bouche à oreille qui l’entoure …

    Et par beaucoup d’aspects il mérite ce succès ! Il est terriblement efficace, percutant, et se lit d’une traite ou presque tant on veut en connaître l’issue, afin de confirmer que l’on a bien trouvé la solution, ou bien de savoir si, au contraire, l’auteure nous a piégé.

    Un des intérêts aussi est que le récit est conté par un trio de femmes : Rachel (la fille du train), Anna, Megan, qui a tour de rôle vont nous font pénétrer dans leurs quotidiens, des quotidiens plus ou moins roses, plus ou moins gais, plus ou moins sinistres ; et plus encore que dans leurs quotidiens, c’est dans  leurs têtes qu’on entre, leurs pensées, leurs doutes, leurs sentiments, leurs visions totalement différentes d’événements pourtant identiques. Là aussi Paula Hawkins est excellente car ces prismes déformés (et déformants) instillent très progressivement un doute sur tout ou presque, les évènements, les personnes, les actes. Et c’est de  la maîtrise de ce tempo que le roman tire sa force principale, sur cette gestion quasi parfaite du questionnement progressif par rapport à la réalité des faits tels que présentés. Vrais ? Faux ?

    Par contre, et il faut le savoir avant d’ouvrir le livre, on ressent aussi un malaise croissant au fur et à mesure de l’avancée de la lecture, voire un mal être face à ces 3 personnages. Car disons le, le personnage de Rachel est présenté comme particulièrement  perturbé, et certaines scènes sont  dures, très dures ; non pas qu’elles soient physiquement violentes, mais elles décrivent une déchéance terrible qui vous donne envie de prendre Rachel par les épaules et de la secouer, la secouer, la secouer. Pour la réveiller ;  pour lui redonner un peu de jugeote ; pour la faire « revenir sur terre » ;   pour lui redonner envie de vivre aussi… Et les 2 autres personnages ne sont finalement pas beaucoup plus stables, surtout elles ne sont pas particulièrement sympathiques dans le fond. Alors que les personnages masculins sont eux de prime abord mis en avant et semblent représenter 3 versions de l’ »homme idéal », tels qu’imaginés par ces 3 femmes, ce qui rend donc d’autant plus choquant les comportements de Rachel, Anna et Megan, et qui peut énerver aussi.

    Bref, un grand roman qui se lit sans jamais reprendre son souffle, un roman chausse trappe,  par lequel on se fait avoir (ou pas smile…) , mais un roman qui peut être dérangeant, et que je ne recommanderais pas aux personnes mal dans leur vie.

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  • Celle qui a tous les dons  de MR Carey (éditions L’Atalante) ; 448 pages

    Guide de survie en milieu post apocalyptique …

    Ce roman nous conte l’histoire de Mélanie, petite fille anglaise d’une dizaine d’année, enfermée avec quelques autres enfants  dans un centre militaire dédié à la recherche. Mélanie est intelligente, curieuse, attentive,  elle aime certains de ses professeurs et d’autres pas du tout. Comme tous les enfants … si ce n’est que Mélanie n’est pas tout à fait une enfant comme les autres …

     Il est particulièrement efficace, fluide, cadencé, un vrai « page turner » auquel il ne faudrait pas modifier grand-chose pour en faire un très bon scenario. On est rapidement happé par le livre, qu’il est impossible de quitter avant la dernière page, d’autant plus que le style d’écriture est agréable et précis.  La description des villes notamment est frappante, leur lente destruction, leur abandon, leur silence et leur vide apparent, dont on sent qu’ils cachent d’immenses dangers. Celle des odeurs aussi -de détergents, de mort, de pourriture, …-  sur lesquelles l’auteur insiste, des odeurs prégnantes, omniprésentes,  qui agressent car jamais subtiles,  et qui traduisent mieux que tout le reste encore  la désintégration progressive de ce monde qui devient petit à petit inhumain. L’auteur est d’ailleurs  très à l’aise avec ces descriptions post catastrophe, il semble réellement dans son élément (comme peut l’être un auteur de polar avec ses personnages de tueurs).

    Le récit, lui, est prenant et cohérent de la première à la dernière page,  sans aucun temps mort ni moment durant lequel il serait possible de respirer un minimum ; la tension est toujours là, comme dans les meilleurs épisodes de The Walking dead . Mais il n’est pas uniquement question de survie, on y parle aussi recherche, volonté de comprendre le pourquoi de tout cela, et solutions : comment vaincre cette catastrophe, soigner les humains, les protéger définitivement. Sont aussi évoqués les rapports à l’autre, que cet autre soit humain ou pas, et à la vie.

    Le seul défaut du roman (à mon gout)  concernent les personnages , qui s’ils sont intéressants, n’en demeurent pas moins profondément stéréotypés : le militaire à la « GI Joe » mais dans le fond tout de même avec un cœur ; la professeur pleine de bons sentiments mais qui fera tout pour sauver sa protégée ; la scientifique froide qui ne pense que dissection, recherche, « bien du plus grand nombre » aux dépens de l’éthique s’il le faut  ; le « bleu », jeune soldat, courageux mais franchement pas très futé; la petite fille, un génie capable à la fois de tuer et d’aimer, et qui à 10 ans comprend parfaitement ce que lui explique en quelques mots une chercheuse renommée.  Certes, cela permet de se concentrer sur l’histoire, mais un peu plus de subtilité n’aurait pas nui, je pense, au rythme global.

    La fin quant à elle, peut laisser songeur quant aux  notions même de survie, d’évolution et d’Humanité : est-on encore un humain quand on accepte tout pour survivre ?

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  • Le piège Daesh  de Pierre  Jean Luizard (éditions La Découverte) ; 182 pages

    L'Histoire pour comprendre ...

    Cet essai court et dense vise surtout à faire comprendre d’où vient DAESH , comment il a pu s’implanter et prospérer aussi rapidement en Irak et en Syrie.  

    Il est donc avant tout un essai replaçant L »État islamique » dans une réalité historique  (dont lui aussi donne et utilise une vision tronquée et partisane), et ce de façon à la fois dense,  précise et compréhensible.

    L’auteur nous explique les conséquences du fameux accord Sykes Picot sur une région dont les habitants partageaient non seulement 3 religions (musulmane, chrétienne, juive), mais aussi des nuances fortes au sein de chacune des 3,  et ce au sein d’organisations sociales elles aussi différentes et complexes, avec par ailleurs des niveaux d’accès à d’autres cultures qui n’avaient rien à voir. Accord qui a mené à la création d’Etats répondant aux besoins de la Grande Bretagne et de la France de l’époque mais sans tenir compte des situations locales. Etats qui ont ensuite subi plusieurs changements politiques, le plus souvent dans la violence, et des dirigeants qui se sont succédés, tous plus despotiques et brutaux les uns que les autres.

    Sunnites, Salafistes, Wahhabites, Chi’ites, Druze, Alaouites, Alevi, Chrétiens d’Orient, Yezidis, Kurdes, populations urbaines éduquées, tribus, familles élargies,  l’auteur nous dresse le portrait de ce puzzle géopolitique, et des situations politiques locales parfois kafkaïennes avec des gouvernants issus de minorités qu’ils favorisent jusqu’à l’implosion. Il démontre aussi que les erreurs des grandes puissances d’hier perdurent, entre besoins en pétrole, concurrence, volonté d’imposer un modèle d’organisation « universel » sans s’intéresser réellement aux réalités locales.

    Il nous brosse le portrait d’une mosaïque qui semble aujourd’hui totalement ingouvernable, ce dont profite DAESH pour s’étendre et imposer sa vision du monde, tout aussi monolithique d’ailleurs dans le fond que  celle des occidentaux. Une vision basée sur une lecture rétrograde, celle du sunnisme wahhabite, et que même l’Arabie Saoudite (pourtant elle-même wahhabite !) craint et tente de maitriser sans grand succès.

    Cet essai est nécessaire pour tenter de comprendre le pourquoi de ce qui se passe depuis 2014 ; il pose aussi question sur un futur incertain : les Etats comme l’Irak, La Syrie, voire le Liban et la Jordanie ont-ils un avenir ? Si oui lequel ?  Les cartes seront-elles redessinées ? Et laisserons-nous à DAESH le pouvoir d’en choisir le tracé, comme elle a déjà commencé à le faire ?  

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    Ressources inhumaines de Fréderic Viguier (éditions Albin Michel) ; 281 pages

    Une déception

     

    Ce roman nous raconte la vie d’une femme salariée dans un hypermarché, qui de simple stagiaire va vite progresser en utilisant tous les moyens à sa disposition à l’exception de ses compétences car (elle l’admet elle-même) elle n’en a aucune, si ce n’est celle d’utiliser les autres à son avantage.

     

    J’attendais beaucoup de ce récit dont le titre et le thème m’ont attirée, mais j’ai très vite été déçue.

     

    Certes le style est fluide et la description de l’absurde et de l’hypocrisie qui règnent dans cette entreprise est plutôt réussie, notamment avec l’utilisation de nombreux mots et expressions à sens multiples ou détournés. De par le choix aussi, de ne jamais nommer le personnage principal du roman qui ne sera que « elle » durant près de 300 pages, et de ne parler des autres personnages que par leur poste dans l’hypermarché (le directeur, le responsable rayon, la responsable ressources humaines, …) ; les rares exceptions concernent ceux qui craquent ou qui font l’objet de mutations sanctions : Gisèle, Gilbert,  …Comme pour redonner aux plus faibles une humanité refusée aux plus durs.

     

    Mais cela ne suffit pas pour rendre le livre intéressant au-delà des premiers chapitres. Car il lui manque une réelle cohérence dans l’évolution du personnage central, cette femme que l’on suit durant quelques semaines quasiment jour après jour suite à son embauche, puis 20 ans après, de nouveau quasi quotidiennement.  On comprend la volonté de l’auteur avec cette coupure, mais cela ne fonctionne pas : le « elle » de 42 ans est bien trop différente du « elle » de 22 ans.  Oui sa volonté peut avoir été émoussée par le temps, et son ambition avec, mais pas autant, pas au point d’avoir disparu. Un fond de méchanceté reste, mais quid de cette capacité à manipuler ses collègues pour avancer, surtout les hommes ?  Et pourquoi sa progression a-t-elle cessé d’un coup ? car si on conserve la logique de la première partie, « elle « aurait dû soit continuer à monter en grade, soit finir elle aussi par devenir victime du système, car dans cet hypermarché il n’y a pas d’autres choix, ce qui rend la situation justement inhumaine !

     

    Bref, de bonnes idées mais une déception au final.

     

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    Nous allons tous très bien, merci de Daryl Gregory (éditions Le Bélial) ; 193 pages

     

     

    Un étrange roman

     

    Il est question dans ce récit d’un groupe de parole crée par une psychologue, groupe composé de 5 personnes ayant survécu à ce que l’humanité peut produire de pire : tueurs en série ultra violents, cannibales, secte hallucinée. Le but : les faire parler de leurs « expériences » respectives pour les sortir de leur silence, leur enfermement ou leurs obsessions et tenter de les aider à vivre de nouveau.

     

    Ce court livre est un drôle de roman. Drôle non pas parce qu’il m’a fait rire mais parce que je n’arrive pas à le classer dans un genre précis. Roman d’horreur, roman de science-fiction, roman policier, ou bien caricature de tout cela ? Objectivement je serais bien en peine de répondre à cette question mais instinctivement je penche vers la dernière possibilité ….

     

    Bien sûr le but premier de l’auteur est de nous faire partager les peurs et névroses de ses personnages, et de nous raconter ce qui se passe une fois le « méchant » neutralisé, ce qu’il advient « après » l’action, après l’habituelle dernière page d’un polar ou d’un thriller bien sanglant. Bien sûr aussi, il semble vite évident que tout cela va dégénérer, car on ne guérit pas comme ça de tels traumatisme, en s’asseyant en rond et en parlant entre victimes…

     

    Et l’histoire est plutôt réussie, l’idée est originale, le style agréable et fluide, bref tout ceci se laisse lire avec un plaisir certain.

     

    Simplement plusieurs choses me font dire que l’on se trouve plus ici dans une caricature assez subtile du genre que dans un vrai roman policier/fantastique/ gore. Déjà, tous les poncifs du genre sont là : des tueurs tellement pervers et violents qu’on a finalement peine à les imaginer réels ; une psychologue tellement empathique qu’on se demande quel but elle poursuit réellement ; des victimes tellement enfermées dans leurs psychoses qu’on se dit qu’elles même ne sont pas loin de la folie meurtrière. Le récit lui va si loin dans le fantastique (tout en étant cohérent et bien construit) qu’on se dit que décidément tout ceci n’est pas possible. La taille du roman enfin et ses moins de 200 pages me pose question : pourquoi en rester à cette densité alors que le concept trouvé par l’auteur tout autant que son déroulé pourraient parfaitement tenir sur 300, 400, 500 pages et en faire un excellent « page turner ».

     

    Mais il ne s’agit ici que de mon ressenti personnel, et il est probable que je me trompe complètement dans ma lecture de ce roman décidément bien étrange, et que je vous encourage à lire pour vous faire votre propre opinion !

     

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