• Dust  de Sonja Delzongle (Éditions Denoel) ; 528 pages

    Violence et chaleur …

    Le roman  plonge Hannah, un profileur américain dans une Afrique brulante, violente et superstitieuse, pleine de sang et de fureur.

    Et nous plongeons avec elle dans cette fournaise qu’est le Kenya, un pays, comme beaucoup d’autres, écartelés entre le modernisme affiché et mis en avant, et l’archaïsme de croyances qui perdurent. Nous y plongeons car il suffit de quelques pages pour ressentir la chaleur suffocante, la violence des rapports, le machisme, la corruption à peine voilée.

    L’écriture est efficace, dynamique et nous embarque très vite et sans peine dans un récit rythmé, sans aucun temps mort ;  les 528 pages défilent sans aucune difficulté et l’on est même étonné d’arriver si rapidement au terme de l’histoire. Seul petit bémol, la romance entre deux personnages qui n’apporte pas grand-chose (voire rien).

     Les descriptions des lieux et surtout des sensations sont réussies et on s’imagine sans peine à la place d’Hannah,  étouffant dans cette chambre d’hôtel ou  hésitant dans ces rues poussiéreuses, confrontée à l’horreur et à l’urgence.

     L’enquête initiale est, elle,  intéressante mais pas innovante, et elle  ne sert pour moi que de prétexte au vrai sujet de fond, qui porte sur la situation des albinos africains. Ayant déjà vu des reportages sur le sujet, j’avais une vague idée de ce qu' ils subissaient, confrontée à une croyance d’un autre âge sur les supposés « pouvoirs » de leur corps.  Mais là j’ai découvert avec un effarement total jusqu’où allait cette superstition : une chasse à la fois très organisée et totalement anarchique, des êtres humains vendus en pièces détachées quitte à les mutiler peu à peu, des meurtres d’une sauvagerie inouïe, qu’ils se déroulent cachés ou en pleine rue à la vue de tous. Tout ceci sans que grand monde n’intervienne réellement, ni les populations, ni les autorités, et au nom de soit disant « facultés extraordinaires »  prêtés à leur peau et leurs organes.  Un massacre qui se déroule en silence dans plusieurs pays africains et qui vient enrichir des trafiquants en tous genres.  Massacre dont sont victimes aussi bien les adultes que les enfants, les urbains que les ruraux.

    Les autres plaies de l’Afrique sont aussi présentes par touches : le SIDA,  le traitement des enfants, l’insécurité, l’exploitation de toute une partie de la population. Ce  vient enlaidir le tableau plus encore pour au final nous décrire un pays qu’on hésitera pendant un moment à visiter.

    Bref, un roman marquant, qui ne se contente pas de  nous conter une énième histoire de tueur sadique. Un roman que je recommande donc ; à moins que vous n’ayez prévu de partir au Kenya dans les prochains mois, dans ce cas évitez !

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  • Black messie de Simonetta Greggio (éditions Stock ) ; 360 pages

    Froid, trop froid ...

    Tout d’abord un grand merci à Babelio et aux Editions Stock qui m’ont permis de découvrir ce roman qui avait particulièrement attiré ma curiosité, roman nous contant la traque à Florence d’un tueur de couples, en alternant les points de vue des enquêteurs, d’un professeur et du tueur.

    Malheureusement, je dois dire que j’ai eu beaucoup de mal à réellement entrer dans l’histoire et à m’intéresser aux personnages.

    Certes l’écriture est d’une très grand qualité, tranchante, épurée, et son rythme saccadé traduit parfaitement le manque total d’humanité du tueur, ses obsessions, sa folie pure. Mais elle fait du roman un vrai bloc de froideur et de noirceur, dans lequel on doute de tout et de tous, sans jamais vraiment s’attacher à quiconque, ni chercher à comprendre qui que ce soit. Seule exception : l’enquêteur principal, qui confronté au pire de l’humanité, se raccroche autant qu’il peut à l’amour absolu qu’il porte à ses filles.

    Par ailleurs le personnage du professeur m’a posé problème, : j’ai en effet eu du mal à l’intégrer dans le récit, sans jamais vraiment comprendre ce qu’il faisait là et apportait réellement ; par moment je me suis même perdue dans l’histoire secondaire (le décès de sa femme il y a des années) sans trop en saisir la fin.  

    Par contre, la description de Florence en filigrane tout au long du roman est tout simplement magnifique :  une Florence noire, brutale, mais malgré tout somptueuse, intemporelle, magique. Une Florence qui vous donne envie d’y passer des jours à flâner dans ses rues, ses musées.

    Bref, un avis très en demi-teinte finalement, avec tout de même une bonne part de déception, malgré la beauté de l’écriture.

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  • L’homme qui en savait trop  de Laurent Alexandre et David Angevin (Editions Robert Laffont) ; 336 pages

    Un mélange des genres qui m’a laissée sur ma faim…

    Ce roman se déroule dans un futur proche,  dans lequel un grand chef d’entreprise à réussi en toute discrétion à faire naitre une Intelligence Artificielle. Cette IA est obnubilée par l’histoire d’Allan Turing qu’elle considère comme son père et elle lance une enquête à son sujet.

    Un résumé alléchant, non ? Certes, mais encore eut-il fallu que le récit tienne ses promesses, ce qui est loin d’être le cas ! Je m’attendais à un livre mêlant histoire et science, à la place j’ai eu l’impression de lire une espèce de « fourre-tout », utilisant le retour en grâce de Alan Turing (merci au très beau film « imitation game » !) pour monter de toute pièce un mélange insipide d’espionnage, d’Histoire, d’enquête policière et de science fiction.

    Chacun des éléments pris tour à tour manque franchement de finesse. On nous ressort notamment  mille poncifs autour de Hoover (mais sans poser les vraies questions liées à ses obsessions anti communistes et homophobes alors qu’il était lui-même homosexuel), de l’intelligence artificielle (sans nous inviter à une vraie réflexion sur le fond du sujet), de l’humanité « améliorée » (en présentant le « anti » comme des imbéciles qui ont déjà perdu la guerre sans le savoir).

     Résultat, le récit est profondément indigeste, et rien ne crée de lien réel entre le passé évoqué lors de l’enquête et le présent tel qu’il est imaginé, avec cette IA qui agit comme une enfant gâtée et pénible à laquelle son créateur passe tous les caprices. Un créateur lui-même totalement accro à la réalité virtuelle sensée le renvoyer à l’époque de Turing ! Mais comment croire une seule seconde que l’entrepreneur (sous entendu comme étant le plus puissant du monde) puisse passer autant de temps à « faire mumuse » dans un passé reconstitué ?

     Le style d’écriture est lui aussi plutôt décevant, trop lent pour être qualifié de « page turner », trop familier pour être agréable à lire (oui, nous avons compris, être homosexuel dans les 40’s/50’s  en Angleterre était très compliqué, mais était-il utile d’en rajouter sans cesse dans le vocabulaire ?).

    Alan Turing aurait mérité bien mieux que ce roman ultra décevant : une vraie enquête policière digne de ce nom autour de son « vrai faux » ( ?) suicide ; une vraie belle reconstitution de ce qu’il a apporté  (décryptage du code Enigma,  pensées sur la création de « computeurs artificiels », …) ; surtout une vraie réflexion sur ce que le mot « intelligence » signifie, à l’heure du débat autour de l’intelligence artificielle.

    Vous l’avez compris, je ne vous le recommande pas ! Mais ce n’est que mon avis bien sûr !

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  • Zone de non droit  de Alex berg (Éditions jacqueline Chambon/Actes Sud) ; 288 pages

    Tout simplement effrayant…

    Valérie Weymann a tout pour vivre sereinement : la réussite professionnelle en tant qu’avocate, un couple uni avec son mari, 2 filles, et un caractère bien trempé. Mais en quelques heures tout s’effondre : soupçonnée de terrorisme alors que des bombes explosent, elle est arrêtée en quelques minutes, enfermée dans une prison allemande, puis elle disparait dans l’une des geôles secrètes  de la CIA…

    Ce thriller politique est particulièrement réussi, impossible à lâcher de la première à la dernière page, tant le niveau de tension est élevé et le dénouement totalement incertain. L’auteure maitrise de A à Z le rythme de son récit, et ne nous laisse pas respirer une minute, passant avec succès d’un personnage à l’autre, d’un point de vue à l’autre, sans aucun répit ni temps mort. Elle décrit à la perfection les peurs, les doutes, les incompréhensions, les questionnements des uns,  le cynisme, la morgue, la brutalité et le manque total d’empathie des autres.  Les sensations aussi sont omniprésentes : le froid, la douleur, la faim, la désorientation, la perte de repère.

    Alex Berg explique comment, somme tout assez simplement et rapidement, on peut détruire une personnalité, une vie, sur la foi d’un soupçon aussi épais qu’une brindille.  Et cette situation fait vraiment peur, surtout dans nos sociétés qui balancent régulièrement entre défense des libertés et volonté de garantir la sécurité des citoyens.  Des sociétés dont certains « protecteurs » sont parfois prêts à bafouer tous les principes et valeurs, et qui nous rappellent cette citation latine « mais qui surveillera les surveillants ? ». Une question qui se pose d’autant plus que les faits prouvent que la torture ne mène à rien d’autre qu’à des erreurs (c’est ici fort bien démontré) et à la naissance (ou au renforcement) de la haine, elle-même à l’origine de ce que l’on cherche à éradiquer.

    Le seul bémol que j’émettrai sur le récit porte sur le choix de l’auteure de faire du responsable du calvaire de Valérie Weymann un personnage sans scrupule, critiqué même par ses propres pairs. Le message aurait peut-être été encore plus fort avec un agent Burrough un peu moins caricatural dans sa quête de pouvoir.

    Mais ce petit point négatif  ne retire finalement que peu de chose à la qualité de ce roman, le premier écrit par Alex Berg, et que je vous recommande chaudement ! Quant à moi, je n’ai plus qu’à ajouter ses 2 romans suivants à ma liste des « à lire » (j’ai comme un doute immense sur le fait d’arriver à lire tous les livres qui me font envie, mais ceci est une autre histoire !).

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  • Je voulais juste vivre  de Yeonmi Park (Editions Kero) ; 304 pages

     

    1984 en vrai …

    Tout d’abord je tiens à remercier le site lecteurs.com qui m’a offert ce livre.

    Yeonmi Park a 22 ans mais à lire son histoire, on se dit qu’en 22 ans elle a déjà vécu 20 vies, vu le pire, subi le pire, et que malgré tout ça elle nous donne une incroyable leçon d’optimisme et de volonté.

    Ayant lu des romans et articles, et vu des documentaires sur la Corée du Nord, je pensais connaître au moins un peu ce pays et ce qu’il s’y passait, mais ce livre m’a démontré que je n’avais fait que survoler le sujet de très loin et n’avais pas vraiment compris ce que vivaient ses habitants. Car au-delà de ce que l’on sait sur les famines, les camps de travail, les arrestations arbitraires, le manque de tout, la peur quotidienne, on découvre l’impensable : le 1984 de Orwell existe bel et bien …

    La Corée du Nord est un pays dans lequel vous pouvez être puni sur des générations au nom d’un « crime » commis par votre grand-père  (ce crime étant la plupart du temps imaginaire par ailleurs). La Corée du Nord est un pays dont le vocabulaire s’appauvrit avec des mots qui disparaissent (alors qu’on sait que la plupart des langues asiatiques sont riches et complexes). La Corée du Nord est un pays dans lequel votre téléviseur (quand vous en avez un) est forcément branché et allumé quand ses dirigeants s’expriment, et attention à qui ne regarde pas, car vous pouvez être questionné n’importe où n’importe quand sur ce que le grand leader a dit. La Corée du Nord est un pays dans lequel vous n’avez le droit d’aimer que les membres de la famille des Kim, et où le mot « amour » lui-même tend à disparaitre. La Corée du Nord est un pays…

    Pour bien comprendre les conséquences de tout ceci, il faut s’attarder sur certains passages du livre, qui font sourire et vous glacent en même temps : par exemple , quand aidée par de pasteurs Chinois ou Sud Coréens Yeonmi découvre le concept de Dieu sans le comprendre, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que  pour « bien » prier il fallait en fait remplacer dans ses pensées le nom de Kim Il Sung par celui de Dieu, et qu’alors elle est devenue très forte en prière.

    Cette autobiographie est un voyage dans l’absurde, dans l’impensable, dans l’inimaginable pour nous qui vivons dans des démocraties libres, gueulardes et revendicatrices, qui surconsomment et jettent trop.

    Mais c’est aussi une autobiographie pleine d’optimisme, et mes moments préférés portent sur cette période en Corée du Sud durant laquelle Yeonmi commence à s’exprimer réellement sur ses sentiments, sur ce qu’elle ressent plus que sur ce qu’elle vit : quand elle se découvre capable d’apprendre et de progresser, capable de s’exprimer et d’être entendue, capable de convaincre. Ces quelques pages sont les plus belles car elles nous font vraiment ressentir qu’enfin cette jeune femme se libère et comprend qu’elle peut avancer et vivre sa vie, celle qu’elle a choisi, tout simplement.

    Bref,  si vous souhaitez en savoir plus sur la Corée du Nord, lisez ce livre … si vous souhaitez en savoir plus sur la réinsertion des réfugiés nord coréens en Corée du Sud, lisez ce livre ….si vous souhaitez recevoir une vraie leçon de vie, lisez ce livre …

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