• Persona (les visages de Victoria Bergman tome 1) de Erik Axl Sund (Éditions Babel Noir) ; 480 pages

    Folie noire …

    Si vous aimez les histoires gaies, les romans plein d’entrain ou bien les policiers de type page turner  « gentiment » violents mais surtout très marketés et rapidement efficaces, passez votre chemin, car vous ne trouverez rien de cela dans Persona

    Normal me direz-vous, ce sont les éditions Babel noir ! Certes, mais même moi qui lis et apprécie thrillers, polars et autres romans noirs de toutes sortes, j’ai trouvé ce roman particulièrement dur !

    Les thèmes d’abord : pédophilie, schizophrénie, meurtres violents, tortures, enfants soldats, tout y est ou presque du plus glauque et du plus malsain que l’humain soit capable d’être,  d’imaginer et de perpétrer.

    Les personnages ensuite : Jeannette et Sofia semblent solides et fortes, des professionnelles reconnues pour leurs compétences de flic et de psychothérapeute,  mais s’avèrent en fait assez vite perdues, doutant de leurs choix, de leur vie, de leurs métiers. Victoria Bergman, elle, est un mélange détonnant de fragilité et de violence.  Les hommes sont relégués au loin, dans des seconds rôles qui ne les mettent pas en valeur (c’est le moins que l’on puisse dire). La plupart sont au choix ou simultanément veules, lâches, stupides, méprisants, misogynes, violents, sans éthique, monstrueux. On sent bien que ce sont les femmes du roman qui les perçoivent ainsi, prisme déformant ou bien triste réalité ?

    Le style lui est au service de cette noirceur avec une écriture froide, saccadée, sans rondeur, glaçante comme le récit. Entendons-nous bien, il n’y a pas  particulièrement overdose de scènes crues, ultra violentes, mais plutôt de la suggestion, des sous-entendus, une sorte de clair/obscur,  qui ne laissent toutefois aucun doute sur ce qui se passe. Un effet probablement recherché et parfaitement adapté aux thèmes développés, le but étant clairement (à mon avis) de placer le lecteur dans une position dérangeante, de bien lui faire sentir et vivre la peur, la solitude et le désenchantement de certains personnages, la folie et le détachement des autres. De tout cela ressort un mélange étonnant et déroutant de lenteur par moment exaspérante et de tension  bien présente malgré tout, qui donne envie de connaitre la suite, d’être bien certain que l’on a compris ce que nous laissent entendre  les auteurs.

     Bref, un roman à ne pas mettre entre toutes les mains, et qui ne peut pas laisser indifférent, le début d’une trilogie dont tous les tomes doivent être lus impérativement si l’on veut aller jusqu’au bout de l’histoire.

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  • Quand sort la recluse de Fred Vargas (Éditions Flammarion) ; 478 pages

    Brumes, bulles et blaps….un énorme Vargas !

    Il y a des écrivains que vous aimez. Il y a des héros que vous attendez. Il y a des intrigues qui vous embarquent.

    Et puis il y a …Fred Vargas,  le commandant Adamsberg et les enquêtes qui vous  emportent, vous retournent, et vous font tout oublier durant quelques heures.

    Fred Vargas possède un style inimitable ; une plume, une vraie, qui joue avec les mots et se joue des mots pour créer de nouvelles expressions qui ne sont qu’à elle et à ses personnages. Des expressions qu’elle seule est capable d’imaginer, des tournures de phrases qu’elle seule est capable d’écrire, toujours sur le fil du rasoir d’une créativité totale qui pourrait basculer dans le ridicule sans que jamais cela se produise. Quel bonheur de retrouver ça, cette façon d’écrire tellement unique, tellement particulière.

    Adamsberg est toujours au rendez-vous de cette nouvelle enquête dans laquelle il est question d’oiseaux (un merle pas bien épais, des pigeons, et d’autres volatiles emplumés), de blaps puant, d’une murène encombrante (et elle aussi puante !) mais surtout d’araignées. Celles qui piquent pour se protéger de ceux qui les importunent, et celles qui lentement tissent leur toile pour attraper les inconscients qui passeraient trop près d’elles sans se méfier.

      Il est aussi question d’amitié, de confiance,  de respect, comme bien souvent quand on parle de la brigade Adamsberg, mais de manière plus affirmée et plus jusqu’au-boutiste  encore que dans les précédents romans. Car il va en falloir une sacrée dose, d’amitié, de confiance, de respect pour suivre le commandant dans ses pérégrinations entre Paris et Nîmes à la recherche de cette araignée tueuse qui pourtant ne peut pas être dressée.

    Peut-être aussi un brin de folie et d’inconscience,  qui vont sembler faire défaut à certains, trop ancrés dans  le pragmatisme, le concret, le scientifique, pour qu’ils puissent cette fois ci suivre leur chef dans ses brumes, ses intuitions gazeuses, à la poursuite de son étrange bestiaire. Je me trompe surement, mais à la lecture de ce roman, je ne peux pas m’empêcher de me penser que nous sommes arrivés à un moment charnière de l’histoire de ce flic étrange, dont les relations avec son équipe ont clairement évolué, même si je suis bien en peine de dire dans quelle direction Vargas nous emmènera ensuite.

    Si vous-même, lecteur, vous aimez les enquêtes au cordeau, ne croyez qu’aux expertises techniques et à la logique pure et dure pour résoudre une enquête, fuyez ce Vargas encore plus que les précédents. Car encore plus que dans les autres il y est question d’intuition, du « truc qui cloche » et qui dérange, de cette piqure invisible à gratter jusqu’au bout du bout.

    Mais si vous aimez déjà un peu ou beaucoup, ou bien si vous ne connaissez ni Vargas ni Adamsberg, lancez-vous, et vite car tous les deux se bonifient avec le temps ! Vous l’avez compris je me suis tout simplement régalée de cette lecture ! Vivement le prochain !

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  • Kaboul Express de Cédric Bannel (Éditions Robert Laffont) ; 336 pages

    Encore une réussite !

    Merci aux éditions Robert Laffont et à NetGalley de m’avoir offert  la possibilité de découvrir Kaboul express en version numérique.

    Ce roman est le troisième de Cédric Bannel que je lis (que je dévore !) en un an, avec toujours autant de plaisir et sans me lasser de son Qomaandaan.

    Car bien sûr, une fois encore nos avons rendez-vous avec le Qomaandaan Kandar dans son Afghanistan, qui comme dans Baad, va travailler avec Nicole la « super flic » française. Ici pas de meurtrier d’enfants, mais une course poursuite derrière un petit génie, enrôlé par des terroristes islamistes,  et dont le seul but est de détruire Paris pour se venger d’une attaque militaire dans son pays qui  a tué une partie de sa famille.

    Ici, nous continuons donc notre découverte de ce pays réduit en miette par des décennies de guerre et théâtre d’affrontements internes entre mafias, tribus, et dorénavant mouvances islamistes de tous poils (sans vouloir faire de très mauvais jeux de mots !)  qui se détestent cordialement et le font comprendre et savoir par attentats et assassinats interposés.

    Avec Zwak, cet adolescent hyper doué,  déterminé à tuer un maximum de Français, nous apprenons aussi comment fonctionne le Kaboul express,  une organisation qui permet aux Afghans de rejoindre les combattants de DAESH en Syrie, puis  pour ceux qui le veulent, de continuer somme toute  assez aisément (quand on dispose des bons contacts)  en direction de l’Europe.

    Nous suivons l’évolution du Qomaandaan, toujours  aussi droit et fier, de plus en plus inquiet pour l’avenir de son pays ; très inquiet aussi pour  la sécurité de son épouse bien trop moderne et indépendante aux yeux de nombreuses personnes, et dont la vie s’avère de plus en plus compliquée et la sécurité plus délicate à assurer.

    L’écriture et le rythme sont les mêmes que dans les romans précédents : nerveux, rapides, précis ; il est impossible de lâcher le récit tant que le terme n’est pas arrivé, et la course poursuite terminée. La tension est présente dès le début du récit et monte crescendo, avec un tempo maitrisé de bout en bout.  Le personnage de Zwak, étrange jeune homme enfermé dans sa passion des chiffres et sa haine absolue des Français apporte la touche de nouveauté nécessaire et un rôle de « méchant » différent des habituels terroristes.

    Encore une réussite donc pour Cédric Bannel avec ce techno thriller réaliste qui m’a embarquée de la première à la dernière page !

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  • Éclipses japonaises de Eric Faye (Éditions du Seuil); 280 pages

    Bienvenue en Absurdie …

    Vous le savez certainement, je m’intéresse peu (voire pas du tout) à ce barnum qu’on appelle  « rentrées littéraires » (septembre et janvier), ne trouvant aucun intérêt au fait de lancer des livres comme on lance une collection de vêtements. Et je ne m’intéresse pas plus aux avis des critiques littéraires professionnels, aux goûts souvent éloignés des miens.

    Et pourtant c’est en entendant (sans vraiment écouter) un de ces critiques, qui justement évoquait de la rentrée littéraire 2016, que ma curiosité pour Éclipses japonaises s’est éveillée. Un roman qui parlait de la Corée du Nord, ça pouvait s’avérer intéressant !  J’ai donc patienté plusieurs mois avant d’en disposer enfin à ma médiathèque (rang 4 en réservation, c’est dire qu’il a effectivement fallu être patiente !). Autant vous dire que j’en attendais donc tout de même beaucoup ! Et je n’ai pas été déçue.

     Eric Faye part de faits réels (la disparition inexplicable de citoyens japonais durant les années 70/80, retrouvés bien des années plus tard…en Corée du Nord ; la disparition aussi d’au moins un soldat américain à la frontière entre les 2 Corée) pour bâtir les histoires croisées de plusieurs personnages, tous victimes du régime probablement le plus inique du monde.

    Car qu’il s’agisse de ces Japonais (jeunes, moins jeunes, éduqués ou pas, hommes et femmes)   enlevés dans leur pays ou de ces Nord-coréens endoctrinés dès l’enfance, tous sont finalement prisonniers de la folie paranoïaque d’une toute petite nomenklatura prête à tout pour faire perdurer sa mainmise sur une population et un Etat exsangues.

     En imaginant leurs vies, leurs destins croisés, l’auteur nous dresse le portrait d’un pays et d’un système qui broient tout le monde, adultes comme enfants, citoyens persuadés de la grandeur de leur dirigeant comme habitants qui ne cherchent qu’à survivre. Il nous démontre aussi la capacité qu’ont certains de survivre malgré tout (enlèvement, séparation, enfermement, faim, isolement, …) ;  ceux-là vont réussir à construire un semblant de vie de famille, un semblant de sécurité et de bonheur.

    L’écriture, elle, est fluide, particulièrement agréable à lire, et la manière distanciée choisie par l’auteur pour nous conter cette histoire rend d’autant plus irréaliste et pourtant tout à fait plausible (car tirée de faits réels) le destin de ses protagonistes. On passe par tous les sentiments au cours du récit : étonnement, surprise, incrédulité, incompréhension, espoir, dégout, colère, pitié, tristesse.  Par moment on se surprend même à sourire, par exemple quand on découvre ce soldat américain devenu acteur dans des films de propagande. Bienvenue en Absurdie…

    Vous l’avez compris j’ai particulièrement apprécié ce roman d’un auteur que je ne connaissais pas du tout, et je vous le recommande vivement, que vous vous intéressiez (comme moi) au sujet de la Corée du Nord, ou pas.

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