• Je voulais juste vivre  de Yeonmi Park (Editions Kero) ; 304 pages

     

    1984 en vrai …

    Tout d’abord je tiens à remercier le site lecteurs.com qui m’a offert ce livre.

    Yeonmi Park a 22 ans mais à lire son histoire, on se dit qu’en 22 ans elle a déjà vécu 20 vies, vu le pire, subi le pire, et que malgré tout ça elle nous donne une incroyable leçon d’optimisme et de volonté.

    Ayant lu des romans et articles, et vu des documentaires sur la Corée du Nord, je pensais connaître au moins un peu ce pays et ce qu’il s’y passait, mais ce livre m’a démontré que je n’avais fait que survoler le sujet de très loin et n’avais pas vraiment compris ce que vivaient ses habitants. Car au-delà de ce que l’on sait sur les famines, les camps de travail, les arrestations arbitraires, le manque de tout, la peur quotidienne, on découvre l’impensable : le 1984 de Orwell existe bel et bien …

    La Corée du Nord est un pays dans lequel vous pouvez être puni sur des générations au nom d’un « crime » commis par votre grand-père  (ce crime étant la plupart du temps imaginaire par ailleurs). La Corée du Nord est un pays dont le vocabulaire s’appauvrit avec des mots qui disparaissent (alors qu’on sait que la plupart des langues asiatiques sont riches et complexes). La Corée du Nord est un pays dans lequel votre téléviseur (quand vous en avez un) est forcément branché et allumé quand ses dirigeants s’expriment, et attention à qui ne regarde pas, car vous pouvez être questionné n’importe où n’importe quand sur ce que le grand leader a dit. La Corée du Nord est un pays dans lequel vous n’avez le droit d’aimer que les membres de la famille des Kim, et où le mot « amour » lui-même tend à disparaitre. La Corée du Nord est un pays…

    Pour bien comprendre les conséquences de tout ceci, il faut s’attarder sur certains passages du livre, qui font sourire et vous glacent en même temps : par exemple , quand aidée par de pasteurs Chinois ou Sud Coréens Yeonmi découvre le concept de Dieu sans le comprendre, jusqu’à ce qu’elle se rende compte que  pour « bien » prier il fallait en fait remplacer dans ses pensées le nom de Kim Il Sung par celui de Dieu, et qu’alors elle est devenue très forte en prière.

    Cette autobiographie est un voyage dans l’absurde, dans l’impensable, dans l’inimaginable pour nous qui vivons dans des démocraties libres, gueulardes et revendicatrices, qui surconsomment et jettent trop.

    Mais c’est aussi une autobiographie pleine d’optimisme, et mes moments préférés portent sur cette période en Corée du Sud durant laquelle Yeonmi commence à s’exprimer réellement sur ses sentiments, sur ce qu’elle ressent plus que sur ce qu’elle vit : quand elle se découvre capable d’apprendre et de progresser, capable de s’exprimer et d’être entendue, capable de convaincre. Ces quelques pages sont les plus belles car elles nous font vraiment ressentir qu’enfin cette jeune femme se libère et comprend qu’elle peut avancer et vivre sa vie, celle qu’elle a choisi, tout simplement.

    Bref,  si vous souhaitez en savoir plus sur la Corée du Nord, lisez ce livre … si vous souhaitez en savoir plus sur la réinsertion des réfugiés nord coréens en Corée du Sud, lisez ce livre ….si vous souhaitez recevoir une vraie leçon de vie, lisez ce livre …

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  • Les affinités de Robert Charles Wilson (Editions Denoel) ; 336 pages

    Vous avez dit réseau social….

    (Lecture numérique)

    Dans ce roman étiqueté « Science Fiction » car il se déroule dans un futur proche, il est question des réseaux sociaux tels qu’ils pourraient devenir, avec leur conséquences sur les structures sociales et familiales. L’auteur imagine la possibilité pour les humains de se rassembler par affinités (d’où le titre), suite à un test (payant), qui établit si vous faites partie d’une Affinités (il en existe 22) ou pas, et si oui, laquelle. Ces affinités sont sensées permettre à des personnes partageant les mêmes visions du monde de se rencontrer et de nouer des liens. Adam, étudiant en graphisme un peu perdu fait le choix de passer le test malgré son scepticisme, apprend qu’il est un « tau » et découvre petit à petit l’intérêt et le plaisir d’appartenir à cette affinité, une des plus importantes. Mais  bien sûr, rien n’est aussi simple qu’il parait.

    Le parti pris de Robert Wilson est intéressant car il pousse la logique des réseaux sociaux jusqu’à une extrême parfaitement plausible. Car après tout que sont déjà les groupes Facebook et les multitudes de communautés et forum existantes sur le net, si ce n’est que le regroupement de personnes autour d’un point commun, d’une passion commune (et je pourrais en parler, faisant partie de plusieurs groupes FB et communautés de lecteurs avec lesquels j’échange régulièrement sur tout et rien, jusqu’à rencontrer « dans le réel « certains d’entre eux et nouer des liens pas seulement virtuels !) ? Et plutôt que de nous parler technique et psychologie (qui sont la base du test), il préfère mettre en avant les aspects humains et  relationnels : relations entre membres d’une même affinité ; relation entre membres d’affinités différentes ; relation avec ceux qui ne font partie d’aucune affinité.

    Il cherche aussi à montrer les transformations sociologiques qu’amènent ces nouvelles formes de liens, notamment leur impact sur les structures familiales : à quoi bon conserver des liens familiaux parfois compliqués, voire conflictuels, quand au sein d’une affinité on partage les mêmes gouts, les mêmes réflexes, la même façon de voir le monde et d’y réagir, et tout cela sans avoir besoin de vraiment expliquer quoi que cela, puisque cette unité  coule de source !

    Mais au-delà des transformations, il démontre  que malgré tout certaines choses ne n’évoluent  pas, et semblent inhérentes aux humains, quelle que soit au fond leur forme d’organisation sociale. Quête du pouvoir, sentiment de supériorité et surtout ségrégation,  des éléments qui arrivent progressivement durant le récit jusqu’à s’imposer parfois.  Apparait alors la violence (sous toutes ses formes, physiques et mentale), à laquelle  Adam va finir par être confronté, et qui va l’obliger à faire des choix.

    C’est ce dernier aspect que j’ai trouvé le plus intéressant, comment d’une idée de base assez humaniste finalement (vous aider à trouver ceux avec lesquels vous vous sentirez le mieux), on en arrive à une situation de rejet de l’autre.  Guère optimiste tout de même …

    Concernant le récit dans sa globalité, il se lit avec plaisir même s’il manque par moment de rythme, et je suis un peu restée sur ma faim par rapport à certains sujets qui auraient mérité plus de développement, notamment ce que deviennent les « sans affinités ». Bref,  un roman qui, à mon goût, aurait certainement mérité quelques pages de plus pour être totalement abouti, mais ce n’est que mon avis !

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  •  Revival   de Stephen King (Éditions Albin Michel) ; 448 pages

    Pas de coup de foudre en vue …

    Après Docteur Sleep, je m’étais dit que le grand Stephen King semblait enfin de retour, peut-être pas l’exceptionnel de Ca ou Shinning, mais du très bon tout de même.

    Avec Revival je ne vous cacherai pas que j’ai été particulièrement déçue.

    Par le rythme du roman: l’histoire est lente à démarrer et à s’installer vraiment, et le récit souffre de redites et de longueurs, n’arrivant jamais à sortir d’une certaine torpeur. J’ai d’ailleurs failli arrêter là ma lecture à plusieurs reprises (une première pour un King me concernant !).

    Par le personnage central, Jamie, qui ressemble bien trop à Danny (autre personnage de S King, pour ceux qui ne connaissent pas)  sans en avoir l’intérêt, et qui manque sérieusement d’énergie (sans vouloir jouer avec les mots…) et de profondeur. « Pauvre petit drogué » (ou ex drogué), ai-je passé mon temps à penser tandis qu’il s’épanchait durant des pages sur sa vie et ses addictions…

    Par l’histoire elle-même, sans surprise (dès le début les divers digressions dévoilent tout ou presque), sans relief non plus. Où est  le sens du suspense, de la tension, de la (mauvaise) surprise, de l’angoisse, que King maitrisait si bien ?  Là jamais on ne tremble vraiment, jamais on ne craint quoi que ce soit pour les personnages, et jamais on n’est surpris par un rebondissement ou un autre, tout étant bien trop prévisible et annoncé !

    Pourtant certaines pistes à peine effleurées auraient mérité d’être développées : la religiosité que certains mettent partout, les phénomènes de foule liés au fanatisme, la manipulation mentale par de pseudo gourous, les relations entre science et croyance, entre religion et médias aussi…. Et bien d’autres encore, évoquées mais jamais vraiment utilisées ni mises en avant.

    Trop de lenteurs, de longueurs, d’à peu près, de thèmes survolés à mon gout, et qui font que je ne vous recommande pas ce roman ! Mais il ne s’agit que de mon avis bien sûr !

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  • Un fond de vérité  de Zygmunt Miloszewski (Editions Mirobole) ; 480 pages

    Le procureur Szacki épisode 2 !

    Nous retrouvons ici le procureur Teodore Szacki, qui, sur un coup de tête suite à son divorce, a quitté Varsovie pour Sandomierz,  petite ville au passé historique compliqué. Il tente de se refaire une vie entre dépression larvée, collection de conquêtes d’un soir et enquêtes de routine sans intérêt, quand un meurtre sanglant se produit.

    Dans ce second roman, l’auteur continue à nous raconter l’histoire de son pays, l’enquête servant ici de prétexte pour revenir sur un sujet particulièrement sensible : l’antisémitisme plus ou moins latent d’une partie de la population. Là on découvre notamment un pan peu très connu de la fin de la dernière Guerre Mondiale : le retour des survivants des camps de la mort dans des villes et villages dont les habitants s’étaient accaparés biens et maisons, faisant des rescapés au mieux des  personae non gratae  priées de s’en aller sans rien exiger, au pire des victimes de pogroms qu’on croyait inimaginables après la découverte des atrocités nazies ( tellement inimaginables pour moi que je suis allée vérifier l’exactitude historique de certains faits !).

    Les personnages sont tout aussi intéressants que dans son premier livre, et on suit avec plaisir l’évolution de ce procureur, qui semble trainer le même ennui qu’à Varsovie, et que le questionnement face à cet antisémitisme qu’il pensait d’un autre âge fait émerger de sa léthargie. Comme en miroir de cette ambiance nauséabonde, son humour semble plus noir, plus acerbe encore, et son faux détachement face aux faits  se lézarde petit à petit, pour laisser apparaître une colère certaine face à la langue de bois,  au « politiquement correct » et au « laisser faire »  de son entourage. Quitte à y laisser quelques plumes, notamment face aux médias dont le rôle ici n’est par ailleurs pas dépeint très positivement.

    Et je vous rassure, il s’agit bien d’un roman policier, particulièrement bien mené, avec ce qu’il faut de questions, de coupables potentiels, d’échanges, de doutes.  Avec un rythme maitrisé,  un récit prenant et qui sait maintenir le suspens sur le vrai responsable jusqu’à son dénouement ou presque.

    J’ai donc pris beaucoup de plaisir à lire ce livre que je vous recommande, et je vais continuer mon exploration des auteurs proposés par cette maison d’édition qui me semble particulièrement intéressante dans ses choix!

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  • Les vivants et les morts  de Nele Neuhaus (Éditions Actes Sud) ; 496 pages

    Encore un très bon Neuhaus !

    Lecture numérique

    Il est des auteurs qu’on retrouve toujours avec plaisir. Non parce qu’ils nous font vibrer, trembler, rire plus que d’autres, ou bien parce qu’ils sortent du lot par  leur recherche de l’excellence dans les mots et le style. Mais tout simplement parce qu’ils savent nous mettre à l’aise, répondre à nos attentes en nous proposant de très bons moments de lecture, et dont on sait qu’on ne sera jamais (ou rarement) déçu…

    Nele Neuhaus fait partie de ceux là pour moi, et c’est  avec bonheur et intérêt que je retrouve Pia et Oliver, ses personnages fétiches, dans ce dernier roman (3eme livre de cette auteure que je lis)

    Ici il est question d’un sniper qui, quelques jours avant Noël, abat plusieurs personnes : deux femmes, puis un homme plus jeune, puis … A-t-il des cibles précises ou bien tue –t-il au hasard ? Pia, Oliver et le reste de l’équipe vont devoir gérer cette situation (un vrai cauchemar pour les forces de l’ordre de tout pays)  et mener leur enquête tout en gérant les proches des victimes, la pression des médias et la présence pénible d’un pseudo profiler à la fois pédant et incompétent.

    Comme dans chacun de ses romans Nele Neuhaus nous fait vivre dans la peau de ces 2 flics allemands ; elle sait décrire mieux que personne l’imbrication de leurs vies privée et professionnelle, les impacts réciproques de l’une sur l’autre, pour faire d’eux, certes des flics à la recherche de la vérité, mais avant tout des humains avec leurs failles, leurs doutes, leurs questionnements. Un positionnement d’autant plus intéressant ici que au-delà des crimes, le récit évoque un sujet particulièrement sensible. En effet, au fur et à mesure de la progression de leur enquête, ils vont se retrouver confrontés à des situations familiales complexes, et découvrir les dessous du don d’organe en Allemagne, ses aspects les plus difficiles, voire les plus sordides (là j’ai découvert que dans ce pays la démarche avait fait l’objet de polémiques suite à de graves dysfonctionnements).

    Comme dans son roman précédent (Vent de sang) Nele Neuhaus va donc au-delà du seul  policier (domaine dont elle maitrise par ailleurs avec brio  le tempo et les règles) pour nous mettre face à des questions sociétales, en nous prenant nous lecteur, parfois à rebours du point de vue habituel,  pour nous proposer une réflexion bienvenue en nous faisant faire un « pas de côté ».

    Mais bien entendu l’enquête est présente, avec ses fausses pistes, ses retours arrière, ses hésitations, ses interrogatoires, ses multiples coupables potentiels. Et l’on suit avec plaisir ce déroulé sans temps mort, le rythme et le style traduisant parfaitement les moments de tension intense. Le coupable n’est pas simple à trouver et jusqu’au bout ou presque les questions sont posées : qui ? Pourquoi ?

    Bref, j’ai lu ce 3eme roman avec bonheur, et je compte me plonger bientôt dans 2 autres livres de l’auteure, qui m’attendent bien sagement dans ma PAL …

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