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    Comment j’ai perdu ma femme à cause du tai chi de Hugues Serraf (éditions de l’Aube) ; 147pages

     

    sympa mais vite oublié ...

     

    Voici un livre qui se lit vite, avec plaisir, un léger sourire aux lèvres, mais après ...

     

    L’auteur est emprisonné car fortement soupçonné d’avoir tué sa femme Luz, et d’avoir fait disparaître son corps en le découpant à l’aide d’un sabre japonais (si, si). Questionné par Coloc, son compagnon de cellule, il va lui expliquer comment il en est arrivé là, à cette flaque de sang, sa femme disparue et lui enfermé

     

    L’histoire est celle d’un couple, de sa naissance à sa mort, du coup de foudre à l’ennui, d’un homme qui ne voit rien (ou ne veut rien voir) et de sa femme qui s’éloigne petit à petit, jusqu’à …. Un sujet très classique, somme toute, et base de départ de très nombreux romans.

     

    Mais ici l’auteur nous conte cette histoire sur un mode décalé et humoristique, un ton qui se veut à la fois léger et mordant. Dans sa façon de décrire cette vie à deux, puis à 4, de décrire l’évolution progressive des relations entre sa femme et lui. Certains passages sont drôles (le choix des amis), d’autres plus tristes qu’amusants (les vacances au pays basque). Derrière l’ironie on perçoit surtout l’incompréhension[mb1]  de cet homme qui ne voit pas sa vie rêvée se déliter peu à peu et lui échapper, et qui ne le réalise que lorsque Coloc le questionne et lui ouvre les yeux.

     

    La vie en prison est elle aussi évoquée sur ce mode humoristique, de façon un peu plus réussie je trouve, avec ses codes, son tempo et sa réalité propre ; j’ai notamment beaucoup aimé sa description de la bibliothèque (forcément !), qui en fait est quasiment tout sauf un lieu de lecture.

     

    J’ai passé un bon moment avec ce petit livre, mais sans plus : moi qui aime les styles déjantés qui s’assument dans leur extravagance et qui y vont « à fond » dans l’ironie, le mordant ou le décalé (je pense à Jean Marcel Erre, Jonas Jonasson, LC Tyler), j’ai trouvé celui de l’auteur tiède et gentil, pas assez hors cadre : quitte à vouloir faire rire, autant y aller cash et jusqu’à bout. J’attendais plus dans le féroce, comme le vend la 4eme de couverture (un tantinet exagéré d’ailleurs, le « férocement drôle » …).

     

     Bref un livre sympa, mais que j’aurai probablement oublié dans quelques mois.

     


     
     

     [mb1] A une

     
     
     

     

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  • Richie de Raphaëlle Bacqué (éditions Grasset)  ; 288 pages

    Essai ou roman ?

    Ce livre est un essai ; il évoque la vie de Richard Descoings, ancien directeur de Science Po Paris , mort  brusquement dans une chambre d’hôtel à New York il y a quelques années.

    Mais  son style, son rythme et le récit qu’il fait de cette vie font croire que nous sommes dans un roman tellement cela va vite, tellement c’est surprenant, tellement c’est prenant tout court …

     J’ai emprunté ce livre presque par hasard : il était présenté en « tête de gondole » à la médiathèque, il était petit ,  j’en avais entendu parler il y a pas mal de temps déjà, et  je connaissais  un peu Science Po pour y avoir vécu une année compliquée il y a maintenant longtemps de cela … Puis voyant ma PAL (perso et emprunts divers), je me suis dit que je n’allais pas le lire. Finalement, devant attendre 1h30 ce weekend  pendant l’entrainement de petit zèbre,  je l’ai pris avec moi en me disant que si les 1eres pages ne me plaisaient pas je l’abandonnerais très vite au profit d’un autre et qu’il ne me ferait pas perdre trop de temps de lecture …

    Pourquoi vous expliquer tout ça ? Pour vous dire que je me suis lancée dans cette lecture sans en attendre grand-chose en fait, en pensant même ne pas terminer ce livre    …. et je ne l’ai plus lâché jusqu’à la fin, laissant même momentanément de côté Lontano de JC Grangé , c’est pour dire ! 

    L’auteur nous brosse le portrait d’un homme profondément  tiraillé entre son origine aisée , très parisienne, très bourgeoise, à la formation rigoureuse (rigide ?) , au parcours professionnel classique de  haut fonctionnaire , et ses envies de changement, de digression à la « bonne morale » , sa volonté quelque part de « faire sauteur le système » . Un système dont il profite à plein  mais qu’il veut ouvrir « au-delà du périph ‘ ».

    Pour cela il va devenir le directeur d’un institution dont le rôle principal jusque là était en fait la reproduction des élites : Science Po Paris, temple d’une jeunesse parisienne dorée issue des mêmes écoles, collèges, lycées, qui partage des valeurs « bon chic bon genre » et cherche surtout à rester entre elle, ignorant ( discrètement mais délibérément) les quelques  provinciaux boursiers égarés parmi elle, auxquels elle fait vite comprendre que décidément ils n’ont pas les même valeurs et encore moins les mêmes chances dans la vie (la preuve, l’hécatombe parmi ces derniers en fin de  1ere année, alors qu’elle-même réussit allégrement à aller jusqu’au terme du cursus) .

    Richie va donc dynamiter tout cela, quitte à modifier les règles d’accès pour pouvoir intégrer des jeunes certes brillants mais issus de lycées de banlieue ou de province , et ensuite à mettre en place un accompagnement spécifique pour les aider à progresser et réussir. il va aussi mener un intense lobbying international pour intégrer l’école parmi le sérail des grandes universités américaines, faire évoluer en profondeur les matières et méthodes d’apprentissage, recruter des professeurs « stars » , tout cela en moins de 10 ans …

    Mais le livre ne raconte pas que cela, c’est aussi l’histoire sans concession  d’un homme bipolaire, homosexuel  assumé  et franc  sur le sujet, mais qui se marie avec une femme . Un homme qui va chercher  (au sens propre du terme, avec sa voiture, son chauffeur, ses chargés de mission) des jeunes de banlieue ne connaissant même pas le nom de Science Po et dont l’école financera à 100% les études,  mais qui se verse des primes mirobolantes. Un homme qui se bat contre cette reproduction des élites mais embauche sa femme comme co directrice. Un homme qui fait la fête au milieu de ses élèves qu’il adore et qui l’adulent , mais qui maltraite sans cesse ses collaborateurs jusqu’à l’inacceptable.

    Un homme dont on se dit au fond qu’il doit être terriblement malheureux pour être aussi auto destructeur .

    C’est aussi l’histoire d’une véritable caste , qui vient des mêmes quartiers, des mêmes écoles , et qui  vit suivant les mêmes codes, les mêmes valeurs   même sil elle ne partage pas les mêmes orientations politiques, professionnelles, privées, sexuelles. C’est l’histoire de réseaux d’influence (de connivence) qui sont nécessaires pour avancer et qu’on ne peut ignorer même (surtout ?) si on veut faire bouger les choses …

    C’est peut-être ça le double intérêt de ce livre : nous raconter un homme qui aurait pu être héro de roman , nous expliquer un milieu qui nous fait un peu mieux comprendre comment fonctionnent nos lieux de pouvoir  et de décision politique.

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