• Le grand n’importe quoi de Jean Marcel Erre (éditions Buchet Chastel) ; 304 pages

     

    à pleurer de rire !

    Dans ce dernier roman de JM Erre, il est question d’une minute qui dure des heures, de culturisme, d’amitié, d’adultère, de gobage de poulpe, de poils de lémuriens et de rencontres du ixième type ….

    Vous allez me dire : ça y est, elle a pété un plomb, fondu une durite, on l’a perdue ! Et si vous pensez ça, c’est que… vous n’avez jamais lu un seul des livres de JM Erre… quelle erreur !

    Car comme dans tous ses romans précédents, on retrouve ici le sens de l’absurde et l’humour tellement particulier de l’auteur !  Et c’est encore une fois une réussite !

    L’absurde car l’ensemble de l’histoire l’est, absurde, de la première à la dernière ligne ou presque, mélange improbable de tous les poncifs de la science-fiction : le futur proche, la faille temporelle, les extra-terrestres, des technologies nouvelles qui ont modifié la géopolitique mondiale. Beaucoup d’auteurs auraient pu s’y perdre et nous proposer un gloubi boulga infâme, mais pas JM Erre.  Lui a su conserver une logique et une cohérence totale à ce grand n’importe quoi, qui se découvrent petit à petit au fil d’un récit qui a finalement bien une queue et une tête ; et franchement quand on lit ce livre on se dit que c’est un vrai tour de force, car par moment même moi j’ai eu peur du résultat tellement l’auteur nous embarque loin !

    Mais c’est surtout par son sens de l’humour que JM Erre se différencie. Il possède une capacité à jouer avec les mots pour nous faire pleurer de rire qui n’a je pense que peu d’égal. Il est par exemple capable d’inventer des dizaines d’expressions plus imaginatives les unes que les autres pour décrire un adultère ; avec lui un personnage de culturiste décérébré retrouve de l’intérêt et il fait d’un minus habens veule et terne un héros malgré lui savoureux.  Derrière sa loufoquerie c’est d’une vraie créativité qu’il fait preuve à chaque page pour prendre des mots, les assembler, les mélanger, les tordre pour notre plus grand plaisir !  Et comme à chaque fois ou presque (son Série Z était un brin en dessous de ses autres romans) j’ai franchement ri plus d’une fois (mais maintenant je sais que je ne dois surtout pas lire un JM Erre en dehors de chez moi sous peine d’être regardée bizarrement à chaque éclat de rire !).

    Bref, vous l’avez compris, j’ai adoré et je vous recommande chaudement ce grand n’importe quoi !

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  • Le Cercle de Dave Eggers(Éditions Gallimard), 528 pages

     

    Prison sociale ?

    lecture numérique !

     

    Avec ce roman, Dave Eggers nous fait pénétrer dans le Cercle, entreprise modèle dans laquelle tout le monde ou presque espère travailler, à la fois fournisseur d’accès internet, réseau social, créateur de logiciel,... Nous y suivons la progression de Mae, nouvelle recrue qui va s'investir dans ses missions jusqu'à y perdre son âme.

     

    Autant le dire, ce roman est effrayant. Effrayant car il est plus que réaliste,et le futur (proche) qu'il nous propose est tout à fait plausible. Un futur dans lequel petit à petit la sphère privée n'existe plus, dans lequel certains deviennent « transparents », c'est à dire que le moindre de leurs faits, de leurs gestes, de leurs paroles, doit être publique et affiché en direct, visible par qui le souhaite... et gare à ceux qui refusent cette transparence... un mot très bien trouvé d'ailleurs car finalement en devenant transparentes, les personnes disparaissent petit à petit derrière le personnage qu'elles se constituent face à tous. Et lorsqu'il n'y a plus de frontière entre vie privée et vie publique, que tout devient visible, plus aucun secret n'est possible, plus aucune discrétion n'est souhaitée, et tout devient marketing et représentation.

     

    Effrayant aussi car une entreprise parvient à connecter l'ensemble des informations dont chacun a besoin ( banque, sécurité, santé, loisirs, relations sociales, …) ; elle le fait petit à petit, en toute connaissance de cause et avec l'accord de tous ou presque, qui ne voient que des intérêts et aucun danger à ce que le Cercle dispose de toutes ces informations ; les rares qui s'insurgent et tentent de se protéger sont considérés comme des asociaux rétrogrades sans aucune reconnaissance envers une société qui ne veut que leur bien et envers des « watchers » qui ne veulent que les aimer et les aider en les suivant dans leur quotidien.

     

    Alors certes le personnage de Mae peut sembler infantile par moment, peu fouillé, comme la plupart des autres personnages d'ailleurs qui pour beaucoup manquent de finesse (excepté Annie peut-être). Certes aussi le style d'écriture est simple, très simple, avec parfois des redites et un manque de recherche dans le vocabulaire, Mais tout ceci nous permet d'entrer très vite dans le récit, d'en suivre facilement l'évolution, et de nous focaliser sur l'histoire et ce qu'elle dépeint : une évolution terrifiante qui commence un peu comme un The Truman Show pour basculer lentement vers un 1984 new age. Et c'est probablement la maîtrise de cette évolution qui est la plus belle réussite de l'auteur dans ce roman !

     

     

    Un roman que je vous recommande donc vivement car il apporte une vraie réflexion sur nos utilisations des réseaux sociaux, les risques de l'hyperconnexion, et les liens réels, profonds et indissociables entre vie privée et démocratie.

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