• Il était une ville  de Thomas B Reverdy (éditions Flammarion ) ; 270 pages ;

    Quand une ville se meurt ...

     

    Lecture numérique !

     

    Ce livre nous fait découvrir les conséquences terribles de la crise de 2008 pour la ville de Detroit. Pas un revers, pas même une crise, non, une Catastrophe, qui résonne dans toutes les pages et dans nos têtes,  avec ce « C » majuscule  qui claque pour mieux nous faire comprendre l’ampleur du désastre.

     

    Thomas Reverdy nous conte la vie de plusieurs personnages,  qui lui permettent d’aborder le sujet sous plusieurs angles . Celui d’un enfant,  pour qui la ville se transforme en immense aire de jeux, des jeux plus ou moins innocents. Celui d’une grand-mère qui s’inquiète pour le futur de son petit fils, qu’elle lie à celui de cette ville moribonde. Celui d’une serveuse qui tente de survivre sans sombrer, car des réseaux mafieux prolifèrent, avec leur argent facile qui tente, mais aussi leur violence qui détruit. Celui d’un flic usé qui assiste à cette déliquescence  et essaie sans ressources  ni soutiens de lutter contre elle.  Celui d’un jeune ingénieur français qui a bien du mal  à comprendre ce qu’il fait là,  lui à qui son entreprise demande de créer  alors qu’on l’isole dans un quartier qui se vide peu à peu pour se transformer en no man’s land .

     

    Il y a beaucoup dans ce roman, du sombre surtout : tristesse, désarroi, opportunisme, cynisme, désenchantement, peur . Mais il y a aussi un peu de Kafka ( le monde de l’entreprise avec ses décisions aberrantes, ses mutations sans sens, sa hiérarchie qui numérote plutôt que de nommer), un peu de naïveté (  ces enfants qui jouent au milieu de maisons qui s’écroulent et des friches industrielles), quelques touches de couleur (le rouge à lèvre de la serveuse tellement accrocheur), et finalement de l’espoir malgré tout.

     

    Tout au long de la lecture, je n’ai pas pu m’empêcher de faire un rapprochement entre Detroit ravagée par une crise économique et La Nouvelle Orléans ravagée par la tempête Katherina, 2 situations totalement différentes (et avec des milliers de morts dans le second cas)  mais aux conséquences à long terme similaires pour les 2 villes : bâtiments effondrés,  population qui fuit, familles dispersées, … Un rapprochement aussi avec certaines images du Philadelphie des années 80 /90.

     

    Et c’est ça aussi la réussite du roman : transformer les mots que nous lisons en images précises et nettes, qui s’inscrivent dans notre esprit et ne peuvent pas laisser indifférent .

    Un très beau moment de lecture !

     

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  • D’après une histoire vraie  de Delphine de Vigan (éditions JC Lattès)  ; 479 pages

    Un roman, un vrai !

    Il y a des livres dont on a du mal à parler (trop tièdes, trop fades, trop mous pour moi)  et il en existe qui donne envie de parler, écrire, échanger. Le roman de Delphine de Vigan est de ceux-là.

    L’histoire est celle d’une romancière en panne d’inspiration après un gros succès littéraire et qui lors d’une soirée va rencontrer L. L va devenir une proche, puis une amie, puis …

     Ce roman m’a immédiatement embarquée et j’ai eu qu’une hâte : le terminer pour en connaître la fin , l’explication, le dénouement. Il m’a fasciné aussi, et pour plusieurs raisons.

     La première car l’auteure décrit avec beaucoup de finesse comment L. va réussir à entrer dans la vie du personnage principal, comment elle va lui devenir indispensable, par petites touches d’abord, puis plus directement, jusqu’à l’envahir,  la parasiter et la paralyser. On assiste ainsi à la destruction lente d’une personnalité, d’une vie, d’un talent. Cet aspect là du livre est étouffant, effrayant de réalisme, et très vite donne envie de hurler à l’héroïne de se méfier, de  réagir, de fuir cette présence toxique...

    La deuxième car on cherche à savoir : et d’abord qui est « L »? Car finalement on ne sait pas grand-chose d elle , cette  « L. » qui s’installe dans la vie et dans la tête. D’où vient-elle ? Quelle fut sa vie à elle avant ? Que fait-elle quand elle n’est pas avec l’héroïne ?  A toutes ces questions on attend une réponse…

    La troisième car après quelques chapitres, comme l’entourage de cette jeune femme, on en vient à douter : L. existe-t-elle vraiment ? N’est-elle pas le fruit d’une imagination qui, n’arrivant plus à écrire, se déploie autrement et envahit l’esprit jusqu’à la folie ? D’un autre coté, comment pourrait-elle ne pas exister alors que son comportements et ses actions nous sont si bien décrites ? Ce doute pousse à lire pour savoir…

    La quatrième car l’écriture de Delphine de Vigan est réellement belle, limpide, une découvert pour moi car c’est la première fois que je la lis , attirée par le thème de son livre et non par son nom aujourd’hui célèbre.

    La cinquième car ….

     La sixième car ...

    La septième car …

    Vous l’avez compris, j’ai passé un excellent moment de lecture !

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    Comment j’ai perdu ma femme à cause du tai chi de Hugues Serraf (éditions de l’Aube) ; 147pages

     

    sympa mais vite oublié ...

     

    Voici un livre qui se lit vite, avec plaisir, un léger sourire aux lèvres, mais après ...

     

    L’auteur est emprisonné car fortement soupçonné d’avoir tué sa femme Luz, et d’avoir fait disparaître son corps en le découpant à l’aide d’un sabre japonais (si, si). Questionné par Coloc, son compagnon de cellule, il va lui expliquer comment il en est arrivé là, à cette flaque de sang, sa femme disparue et lui enfermé

     

    L’histoire est celle d’un couple, de sa naissance à sa mort, du coup de foudre à l’ennui, d’un homme qui ne voit rien (ou ne veut rien voir) et de sa femme qui s’éloigne petit à petit, jusqu’à …. Un sujet très classique, somme toute, et base de départ de très nombreux romans.

     

    Mais ici l’auteur nous conte cette histoire sur un mode décalé et humoristique, un ton qui se veut à la fois léger et mordant. Dans sa façon de décrire cette vie à deux, puis à 4, de décrire l’évolution progressive des relations entre sa femme et lui. Certains passages sont drôles (le choix des amis), d’autres plus tristes qu’amusants (les vacances au pays basque). Derrière l’ironie on perçoit surtout l’incompréhension[mb1]  de cet homme qui ne voit pas sa vie rêvée se déliter peu à peu et lui échapper, et qui ne le réalise que lorsque Coloc le questionne et lui ouvre les yeux.

     

    La vie en prison est elle aussi évoquée sur ce mode humoristique, de façon un peu plus réussie je trouve, avec ses codes, son tempo et sa réalité propre ; j’ai notamment beaucoup aimé sa description de la bibliothèque (forcément !), qui en fait est quasiment tout sauf un lieu de lecture.

     

    J’ai passé un bon moment avec ce petit livre, mais sans plus : moi qui aime les styles déjantés qui s’assument dans leur extravagance et qui y vont « à fond » dans l’ironie, le mordant ou le décalé (je pense à Jean Marcel Erre, Jonas Jonasson, LC Tyler), j’ai trouvé celui de l’auteur tiède et gentil, pas assez hors cadre : quitte à vouloir faire rire, autant y aller cash et jusqu’à bout. J’attendais plus dans le féroce, comme le vend la 4eme de couverture (un tantinet exagéré d’ailleurs, le « férocement drôle » …).

     

     Bref un livre sympa, mais que j’aurai probablement oublié dans quelques mois.

     


     
     

     [mb1] A une

     
     
     

     

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  • Richie de Raphaëlle Bacqué (éditions Grasset)  ; 288 pages

    Essai ou roman ?

    Ce livre est un essai ; il évoque la vie de Richard Descoings, ancien directeur de Science Po Paris , mort  brusquement dans une chambre d’hôtel à New York il y a quelques années.

    Mais  son style, son rythme et le récit qu’il fait de cette vie font croire que nous sommes dans un roman tellement cela va vite, tellement c’est surprenant, tellement c’est prenant tout court …

     J’ai emprunté ce livre presque par hasard : il était présenté en « tête de gondole » à la médiathèque, il était petit ,  j’en avais entendu parler il y a pas mal de temps déjà, et  je connaissais  un peu Science Po pour y avoir vécu une année compliquée il y a maintenant longtemps de cela … Puis voyant ma PAL (perso et emprunts divers), je me suis dit que je n’allais pas le lire. Finalement, devant attendre 1h30 ce weekend  pendant l’entrainement de petit zèbre,  je l’ai pris avec moi en me disant que si les 1eres pages ne me plaisaient pas je l’abandonnerais très vite au profit d’un autre et qu’il ne me ferait pas perdre trop de temps de lecture …

    Pourquoi vous expliquer tout ça ? Pour vous dire que je me suis lancée dans cette lecture sans en attendre grand-chose en fait, en pensant même ne pas terminer ce livre    …. et je ne l’ai plus lâché jusqu’à la fin, laissant même momentanément de côté Lontano de JC Grangé , c’est pour dire ! 

    L’auteur nous brosse le portrait d’un homme profondément  tiraillé entre son origine aisée , très parisienne, très bourgeoise, à la formation rigoureuse (rigide ?) , au parcours professionnel classique de  haut fonctionnaire , et ses envies de changement, de digression à la « bonne morale » , sa volonté quelque part de « faire sauteur le système » . Un système dont il profite à plein  mais qu’il veut ouvrir « au-delà du périph ‘ ».

    Pour cela il va devenir le directeur d’un institution dont le rôle principal jusque là était en fait la reproduction des élites : Science Po Paris, temple d’une jeunesse parisienne dorée issue des mêmes écoles, collèges, lycées, qui partage des valeurs « bon chic bon genre » et cherche surtout à rester entre elle, ignorant ( discrètement mais délibérément) les quelques  provinciaux boursiers égarés parmi elle, auxquels elle fait vite comprendre que décidément ils n’ont pas les même valeurs et encore moins les mêmes chances dans la vie (la preuve, l’hécatombe parmi ces derniers en fin de  1ere année, alors qu’elle-même réussit allégrement à aller jusqu’au terme du cursus) .

    Richie va donc dynamiter tout cela, quitte à modifier les règles d’accès pour pouvoir intégrer des jeunes certes brillants mais issus de lycées de banlieue ou de province , et ensuite à mettre en place un accompagnement spécifique pour les aider à progresser et réussir. il va aussi mener un intense lobbying international pour intégrer l’école parmi le sérail des grandes universités américaines, faire évoluer en profondeur les matières et méthodes d’apprentissage, recruter des professeurs « stars » , tout cela en moins de 10 ans …

    Mais le livre ne raconte pas que cela, c’est aussi l’histoire sans concession  d’un homme bipolaire, homosexuel  assumé  et franc  sur le sujet, mais qui se marie avec une femme . Un homme qui va chercher  (au sens propre du terme, avec sa voiture, son chauffeur, ses chargés de mission) des jeunes de banlieue ne connaissant même pas le nom de Science Po et dont l’école financera à 100% les études,  mais qui se verse des primes mirobolantes. Un homme qui se bat contre cette reproduction des élites mais embauche sa femme comme co directrice. Un homme qui fait la fête au milieu de ses élèves qu’il adore et qui l’adulent , mais qui maltraite sans cesse ses collaborateurs jusqu’à l’inacceptable.

    Un homme dont on se dit au fond qu’il doit être terriblement malheureux pour être aussi auto destructeur .

    C’est aussi l’histoire d’une véritable caste , qui vient des mêmes quartiers, des mêmes écoles , et qui  vit suivant les mêmes codes, les mêmes valeurs   même sil elle ne partage pas les mêmes orientations politiques, professionnelles, privées, sexuelles. C’est l’histoire de réseaux d’influence (de connivence) qui sont nécessaires pour avancer et qu’on ne peut ignorer même (surtout ?) si on veut faire bouger les choses …

    C’est peut-être ça le double intérêt de ce livre : nous raconter un homme qui aurait pu être héro de roman , nous expliquer un milieu qui nous fait un peu mieux comprendre comment fonctionnent nos lieux de pouvoir  et de décision politique.

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    L’enfer de Church Street de Jack Hinkson (éditions Gallmeister)  ; 236 pages

    fade, bien fade enfer...

     

    J’ai lu ce roman après un livre qui fut un coup de cœur pour moi …

     

    Peut-être est-ce la raison qui fait que je l’ai trouvé bien fade. Mais peut-être pas ….

     

    Les premiers chapitres sont plutôt bien faits, ils font monter une certaine tension car on sent le personnage principal malsain, caché derrière une fausse naïveté, une fausse délicatesse, un faux intérêt pour les autres. Et on attend le changement de ton, la petite goutte d’eau, le dérapage qui feront sauter le masque.

     

    Il finit bien par sauter, ce masque, mais finalement sans surprise, sans réel coup de théâtre, tellement on s’y attendait, tellement c’était téléphoné. Oui c’est noir, oui c’est violent, oui c’est soudain, mais …sans aucune surprise dans le fond. J’ai l’impression de me retrouver dans une pâle copie écrite de « Fargo », ce film génial des frères Cohen (que je vous conseille vivement si vous ne l’avez jamais vu !) : un « héro » qui se croit intelligent mais qui se laisse embarquer dans une histoire qui dégénère jusqu’à la folie ; qui se croit discret mais que tout le monde ou presque arrive à déchiffrer sans beaucoup de peine ; qui se croit bon dans le fond mais qui commet le pire pour obtenir ce dont il rêve.

     

    Quant à l’idée de départ (un homme braqué par une petite frappe, et qui se révèle être en fait bien plus noir qu’elle), elle me semble tomber à plat, ou en tout cas ne pas aller jusqu’à son terme.

     

    Bref, ce roman ne m’a pas fait ressentir grand-chose en fait, ni réelle surprise, ni réel frisson, ni réel intérêt pour ses personnages.

     

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