• Les fauves de Ingrid Desjours (Éditions Robert Laffont) ; 448 pages

    Coup de cœur  !

    J’en termine de mes chroniques 2016 !

    Dans ce roman il est question de la rencontre de 2 personnalités à la fois extrêmement fortes et particulièrement fragiles : Lars, un ancien soldat d’élite reconverti dans la protection rapprochée, et Haïko une « gosse de riches » activiste anti islamiste menacée de mort.

    Mais ne vous imaginez pas vous retrouver dans la version écrite du film « Bodyguard », car vous vous tromperiez lourdement ! Ici pas de paillette, pas de strass, pas de rose bonbon ni de guimauve ! Bien au contraire ! Les fauves ce sont Lars et Haiko, des animaux sauvages,  magnifiques et brutaux, qui se jaugent, s’observent, se côtoient, s’affrontent par moment. Ils sont fascinés l’un par l’autre, par leurs différences mais aussi leurs ressemblances : même jusqu’auboutisme, même  attrait pour la violence qui (le croient-ils) les aident à contenir  leurs démons intérieurs.

    Le récit se dévore du début à la fin, d’une traite ou presque, sans jamais vous laisser respirer. Aucun temps mort, aucun moment de repos dans cette fuite en avant. Le style d’écriture est au service de la narration, empruntant ce qui fait le meilleur d’un bon page turner (la rapidité, l’efficacité) tout en nous proposant un vocabulaire précis et riche. L’histoire elle est particulièrement affutée, tout à fait crédible, mêlant brutalité et finesse, âpreté et subtilité.

     Les personnages, qui représentent vraiment le cœur du livre, sont fouillés, leurs personnalités mises à nue avec une aisance incroyable, nous donnant tour à tour (et parfois en même temps !) envie de les frapper, de les détester, de les plaindre, de les admirer. Rien n’est vraiment jamais totalement tranché, ni noir, ni blanc, et de cela l’auteure sait parfaitement jouer, nous faisant sans arrêt hésiter : Haîko est-elle vraiment cette passionaria désintéressée au service d’une juste cause ou bien une accro aux cameras qui n’agit que pour faire parler d’elle ? Lars est-il un garde du corps consciencieux, professionnel et acharné au travail ou bien une brute épaisse qui cache derrière ce métier son envie de frapper (voire de tuer)  quiconque s’oppose à lui ?

    Vous l’avez compris, c’est un vrai coup de cœur pour moi que ce roman percutant, tranchant, qui m’a embarquée de la première à la toute dernière ligne ! Je l’ai lu en 24 heures, ayant bien du mal à l’abandonner en cours quand nécessaire, et je vous le recommande donc vivement si vous aimez le genre (et même si vous n’êtes pas particulièrement fan d’ailleurs) ! Quant à moi,  je vais rapidement consulter la bibliographie de Ingrid Desjours afin de dénicher (je l’espère !) une nouvelle pépite.

    Pin It

    votre commentaire
  • Terminus Elicius de Karin Giebel (Editions Belfond) ; 250 pages

    Lecture numérique

    Merci à Netgalley et aux éditions Belfond !

    Dans ce roman de Karin Giebel (ré édité ici mais qui si j’ai bien compris est l’un de ses premiers écrits), il est question d’une jeune femme introvertie et particulièrement timide, qui se retrouve à recevoir des lettres d’un tueur qui se déclare amoureux d’elle. Plus que l’enquête c’est sur cette jeune femme et ses réactions que porte le roman.

    Alors, autant le dire tout de suite, ses réactions sont particulièrement étonnantes, voire carrément déroutantes, en tout cas très loin de ce qu’on imaginerait être celles d’une employée d’un commissariat de Marseille …

    Et bizarrement, même si le récit ne tient pas franchement toujours la route, l’auteure a réussi à m’emmener avec elle, pour une fois.

    Oui, Jeanne est passablement énervante avec son attitude passive, soumise ! Oui son béguin qu’elle imagine discret pour l’un des inspecteurs de la « crim » fait soupirer par sa niaiserie ! Oui certains éléments du récit sont tirés par les cheveux, voire peu crédibles !

    Mais pourtant cette fois ci, cela a fonctionné à peu près sur moi. Peut-être parce que l’on découvre petit à petit le pourquoi du comportement de l’héroïne, cette histoire familiale lourde qui l’emprisonne dans un quotidien morne ? Peut-être parce que l’on ressent de la pitié pour elle, et que même si l’envie de la secouer une bonne fois pour toute est présente, on veut savoir si elle va réussir à sortir de son apathie ? Peut-être parce que l’enquête qui avance peu à peu permet de mieux cerner le profil du tueur et les raisons de ses actes ?

    Quant au style d’écriture, peu de choses à en dire: c’est plutôt efficace, sans beaucoup de relief, mais l’auteure réussit à nous décrire de façon pertinente ce qui peut bien se passer dans la tête de son héroïne, sa confusion, ses doutes, ses freins.

    Alors que vous dire pour résumer tout cela ? Je ne sais pas vous expliquer pourquoi cette histoire a fonctionné sur moi, mais elle a fonctionné, malgré ses défauts, ses à peu près, tous ces éléments qui auraient dû m’horripiler et me faire fuir. Peut-être tout simplement l’ai-je lu au bon moment, qu’elle correspondait à mon besoin  à ce moment là ? 

    Pin It

    1 commentaire
  • Daddy love de Joyce Carol Oates (Éditions Philippe Rey) ; 272 pages

    Âmes sensibles s’abstenir

    Avec un peu de retard, voici la chronique d’une de mes dernières lectures de 2016 !

    Dans ce roman il est question de l’enlèvement d’un petit garçon et de sa « vie » avec son kidnappeur, tel que chacun des deux le ressent ; en parallèle on suit le calvaire de la maman qui ignore ce qu’est devenu son fils.

    Chaque mot est pensé, réfléchi, pesé dans ce récit de l’horreur. L’horreur car l’auteur a su décrire de façon étonnement réaliste le mode de pensée de ce « Daddy love » immonde et pourtant persuadé qu’il apporte de l’amour aux enfants qu’il torture. On le suit dans sa perversion, en frissonnant d’autant plus qu’on le sent réellement convaincu du bienfondé de ses actes. Et ce même si par ailleurs il sait pertinemment être dans l’horreur car il cache parfaitement tout ce pan de sa vie à son entourage.

    Dans le même temps l’auteur parvient avec beaucoup de talent à nous faire vivre les mêmes moments vu de l’enfant, martyrisé et prisonnier d’une relation violente et avilissante, que l’on pense totalement sous la coupe de ce monstre qui s’imagine être un père de substitution parfait . Un enfant dont on se demande comment il peut survivre et tenir, et surtout comment il va pouvoir se construire pour résister mentalement à cet enfermement, pour ne pas devenir lui-même un monstre.

    Joyce Carol Oates réussit  par ailleurs à nous mettre aussi dans la peau de la mère détruite à tout point de vue. Physiquement déjà car lors de l’enlèvement elle a tenté de protéger son fils et a été gravement blessée, ce dont elle garde des séquelles lourdes. Moralement aussi, car elle s’en veut de n’avoir pas pu empêcher le pire d’arriver, estimant avoir été une mauvaise mère. Surtout elle se reproche d’avoir survécu à cette agression, signe pour elle d’une faiblesse impardonnable : elle aurait dû défendre son enfant jusqu’à la mort si nécessaire, et ne pas laisser ce cauchemar se produire. 

    Ce livre est une vraie claque, qui nous plonge dans un univers glauque et noir, rempli presque uniquement  de souffrance et de peur. Il n’est donc pas à mettre entre toutes les mains car il faut sérieusement s’accrocher pour ne pas le fermer au bout de quelques chapitres (et pourtant j’ai l’habitude de lire du noir, du sanglant, du violent).  

    Mais c’est aussi une claque qui laisse comme un gout d’inachevé, car la fin est abrupte, et pose plus de questions qu’elle ne termine le récit. Et vous le savez déjà certainement, je ne suis  pas adepte de cette façon de faire, j’aime quand l’auteur assume son histoire jusqu’à son terme, avec un vrai « the end ». Que celui-ci soit positif ou négatif, peu importe à la limite, mais il me faut ce « clap » qui en termine correctement à mon sens avec les x pages que je viens de lire. J’ai fini ma lecture frustrée, et c’est réellement dommage car Joyce Carol Oates avait jusque là réussi à m’embarquer totalement … mais bien sûr ce n’est que mon humble avis !

    Pin It

    votre commentaire
  • Le cycle clandestin livre 1 : Citoyens clandestins    de DOA (Éditions Folio policier) ; 703 pages

    Noir, complexe, bien écrit mais bien trop macho

    Merci aux Éditions Folio policier et à Livraddict de m’avoir permis de lire ce roman.

    Avec ce roman nous nous retrouvons en 2001 et 2002, durant les mois qui précèdent et qui suivent le 11 septembre 2001.  Nous plongeons au cœur d’une guerre clandestine et sale, celle qui oppose les services secrets français à des terroristes islamistes en pleine préparation d’un  un attentat d’envergure. Une guerre silencieuse dont les combattants s’épient, s’observent, se côtoient, se mentent, s’entretuent parfois.

    On assiste aussi à un affrontement larvé entre les différentes composantes des services français : armée, police, ministère de l’Intérieur, chacun y va de ses barbouzes, de ses spécialistes des filatures, de son infiltration, quitte à ce que tout ce joyeux petit monde se marche sur les pieds, se court-circuite et se mette en danger mutuellement.

    Le récit est froid, clinique, extrêmement précis, et semble particulièrement bien documenté. Très peu d’affect et de sentiments dans ces 700 pages, mais des prises de décision, des faits, des actes, des plus anodins au plus violents. Aucun jugement non plus, et ce même quand il est question de torture, de manipulation, de traitrise ; juste une description du quotidien si particulier de ces hommes de l’ombre.

    DOA nous fait entrer dans leur tête et dans leurs vies, des vies de clandestins pour certains, toujours sur la brèche, sur le fil du rasoir, et qui parfois sont au bord de la schizophrénie. Comment concilier en effet normalité et duperie, signes extérieurs de croyance et  athéisme profond, vie normale et boulot de tueur ? C’est d’ailleurs tellement bien décrit que par moment je me suis même demandée si j’avais bien compris qui était qui, chacun des clandestins ayant un vrai nom, un nom officiel et un pseudo, que l’auteur alterne, entremêle et mentionne  en fonction des situations.

    Une chose, une seule, mais de taille, m’a empêchée d’adhérer  à ce roman qui aurait pu être  par ailleurs excellent : la place accordée aux femmes dans ce roman. Un seul personnage féminin important, une jeune journaliste débutante, qui,  la pauvre, va représenter ce qu’on peut imaginer de pire en terme de poncifs ! Car tout y est :   la stagiaire ignorante, la bêtasse qui commet bourde sur bourde, le « plan c..l », la paumée qui ne sait pas choisir entre vie privée et professionnelle, la midinette qui tombe raide dingue du mec qu’il ne faut pas. Franchement, DOA, je ne vous connais pas, mais un peu de subtilité n’aurait pas nui pour rendre ce personnage tout aussi intéressant que les personnages masculins. A la fin du roman je n’en pouvais plus de cette pauvre fille perdue au milieu de cette histoire, et j’en suis venue à me demander si l’auteur était conscient du fait que parmi ses lecteurs il pouvait y avoir des lectrices. Car oui il existe des lectrices qui apprécient ce genre, et qui pour le coup se sentent quelque peu oubliées, voire pire !

    Quel dommage donc car tout le reste est intéressant, maitrisé, agréable à lire, avec une histoire réaliste et d’actualité, qui vous embarque sans peine. Je ne pense donc pas m’arrêter là et voir si dans ses romans récents, DOA a su faire évoluer ses personnages féminins.

    Pin It

    votre commentaire
  • La fille dans le brouillard   de Donato Carrisi (Editions Calmann Levy) ; 320 pages

    un très bon Carrisi !

    Lecture numérique !

    Merci aux Editions Calmann Levy et à Netgalley de m’avoir permis de lire ce roman.

    Depuis le chuchoteur, dont je suis totalement fan, je m’étais habituée au style de Donato Carrisi, mais  avais le sentiment qu’il s’enlisait petit à petit dans une certaine facilité, en reproduisant régulièrement les mêmes schémas.

    Ici, enfin, il a choisi de nouveau de nous étonner, en faisant d’un polar (qui débute avec la disparition d’une jeune fille)  une critique de ce que sont devenues aujourd’hui certaines enquêtes policières ultra médiatisées. En nous faisant suivre certains de ses personnages, nous découvrons comment des protagonistes utilisent des faits atroces à leur seul bénéfice, quitte à laisser de côté la recherche de la vérité au profit de l’explication qui conviendra le mieux à leurs intérêts. Pire, ils peuvent aller jusqu’à la manipulation pour y parvenir : manipulation des faits, des personnes, des indices pour les rendre convergents et les faire aller dans le sens souhaité.

    Carrisi nous démontre comment une enquête peut facilement être transformée en un cirque médiatique dans lequel les parents des victimes se retrouvent embarqués malgré eux, obligés de suivre le mouvement au risque, sinon, de paraître indifférents et donc suspects. Il met aussi  en avant combien cet emballement devient préjudiciable à la découverte de la vérité, en privilégiant le sensationnel aux faits, en prenant des raccourcis simplistes et réducteurs. Surtout il démontre de manière flagrante que la victime elle-même est oubliée, voire pire, salie, sa vie déformée et étalée, sans respect, aux yeux de tous.

    Comme toujours avec cet auteur, la plume est au service du rythme. Elle est toujours précise et fluide, incisive quand elle dénonce le cynisme, douce et pudique quand elle évoque la victime. Le récit est lui aussi maitrisé, certes au service de ce qu’il veut dénoncer, mais avec tout de même une vraie histoire policière derrière. Une histoire qui démarre lentement pour finalement nous emmener là où elle le veut, nous faisant surtout beaucoup douter.

    Ce roman peut déboussoler tant sa logique est différente des précédents Carrisi, mais c’est précisément ce qui m’a plu, cette volonté de se renouveler, de sortir de sa  zone de confort, en nous proposant  un sujet de fond qui pousse à la réflexion (surtout quand l’actualité nous noie trop souvent sous des faits divers plus sordides les uns que les autres,  sans recul ni objectivité minimum). Voilà pourquoi je  vous le recommande.

    Pin It

    2 commentaires